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Les Ménines de Velázquez : l`unité retrouvée ? - ORBi

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1. L hypoth se du deuxi me miroir va ici aussi nous aider r pondre la question Il faut pour cela supposer que non seulement ce miroir est l g rement de biais mais aussi qu il est l g rement inclin vers l arri re Ceci correspondrait la situation o le miroir serait appuy contre le mur dans le coin de la pi ce Le paragraphe 3 de l appendice illustre l effet d un tel basculement du miroir Tous les objets situ s la m me hauteur par rapport au sol auront une image virtuelle qui para tra d autant plus basse qu ils seront loign s du miroir Ainsi le reflet du couple royal dans le premier miroir le miroir du fond correspond un point plus loign du deuxi me miroir que le point o se trouve Vel zquez Le deuxi me miroir en renvoie donc un reflet qui para t tre plus bas que celui de Vel zquez et des autres personnages situ s la m me distance Il en est de m me pour l image de Jos Nieto dont la t te n est la hauteur de celle de Vel zquez que parce qu il est juch sur les marches de l escalier Inversement les objets plus proches du deuxi me miroir que Vel zquez doivent para tre plus grands que lui Comme il s agit ici d enfants de demoiselles faisant des r v rences de nains et d un chien la comparaison avec la stature apparente de Vel zquez est plus difficile appr cier Mais bien y regarder on peut percevoir que les nains paraissent un peu plus grands que ce qu
2. chelle r duite proportionnelle Le double portrait de pied que semble r aliser Vel zquez a donc le caract re d aequalitas et le reflet dans le miroir celui d imago Sainte Th r se d Avila 1515 1581 dont les exp riences visionnaires ont longtemps impr gn la culture espagnole distinguait pour sa part l image le portrait et l apparition le mod le vivant Selon Stoichita cela se traduit pour la th orie de l art en une distinction entre les portraits de pied grandeur nature dont l aequalitas partage les propri t s d une vision d apparition et les portraits chelle r duite particuli rement en buste qui peuvent tre d sign s comme imago En tant que peintre du roi puis d aposentador Vel zquez a la responsabilit de veiller ce qu on appellerait aujourd hui l image publique du roi Depuis Titien le portrait de pied pratiquement r serv la famille royale correspond la repr sentation officielle de la majest royale trait e la mani re d une apparition intemporelle tandis que les portraits de buste ont un caract re priv En accord avec la th orie m di vale des deux corps du roi le premier doit repr sen ter le roi comme un tre divin sur lequel le temps n a pas de prise tandis que les seconds le repr sentent dans son humanit corporelle et psychologique Avec Les M nines Vel zquez r alise la synth se des probl mes picturaux li
3. id e d un tableau gran deur nature comme tous les portraits officiels repr sentant l infante non pas selon le protocole officiel mais croqu e dans une attitude naturelle accompagn e de sa suite Un tableau qui resterait donc priv mais dans la contemplation duquel le roi pourrait trouver distraction et r confort Le capricho dont parle Arasse Est ce le roi qui en a eu le premier l id e Ou la reine qui aurait la fois voulu d rider son poux lui plaire et garder une image famili re de sa fille Ou Vel zquez en parfait courtisan sachant plaire son roi et concevant d j une uvre originale Comme le souligne F Calvo Serraller nous ne le saurons sans doute jamais mais il est certain que ce genre de tableau de famille bien connu chez les peintres du nord de l Europe tait inconnu de la peinture espagnole 1 Pourquoi exclure l infante Maria Teresa de ce tableau de famille On a parl d j d une certaine opposition entre le p re et la fille Vraisemblable aussi serait l intervention de la reine Mariana qui n tait gu re plus g e que sa belle fille et qui avait de tr s mauvaises relations avec elle Les probl mes de ce qu on appelle aujourd hui les familles recompos es ne datent pas d hier De m me pour la pr sence de Jos Nieto dans la composition qui aurait galement pu tre impos e ou du moins sugg r e avec insistance par la reine Ce qui suit maintenant est une re
4. 1987 p 439 457 DE TOLNAY Charles Velazquez Las Hilanderas and Las Meninas an Interpretation dans Gazette des Beaux Arts vol 35 1949 p 21 38 EMMENS J A Les M nines de Velasquez miroir des princes pour Philippe IV dans Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek 1961 p 50 79 FOUCAULT Michel Les suivantes dans Les mots et les choses Paris Gallimard 1966 p 19 31 GAUTIER Th ophile Une esquisse de V lasquez 1862 dans Tableaux la plume Paris 1880 Le texte num ris est disponible sur le site Internet Gallica de la Biblioth que nationale de France http gallica bnf fr ark 12148 bpt6k208023d f1 chemindefer consultation du 4 03 2008 Il a t r dit en 2000 chez L Harmattan HARRIS Enriqueta Las Meninas at Kingston Lacy dans The Burlington Magazine vol 132 n 1043 1990 p 125 130 I IGUEZ ALMECH Francisco Casas reales y jardines de Felipe Il Madrid 1952 JUSTI Carl Diego Vel zquez und sein Jahrhundert Vienne 1933 premi re dition Bonn en 1888 KAHR Madlyn Millner Vel zquez and Las Meninas dans The Art Bulletin vol 57 n 2 1975 p 225 246 KUBLER George Three Remarks on the Meninas dans The Art Bulletin vol 48 n 2 1966 p 212 214 KUBLER George The Mirror in Las Meninas dans The Art Bulletin vol 67 n 2 1985 p 316 LAFUENTE FERRARI Enrique Vel zquez Gen ve Albert Skira 1988 premi re dition en 1960 L TINIER DE ARVIZU Rosin
5. 429 447 SNYDER Joel Las Meninas and the Mirror of the Prince dans Critical Inquiry vol 11 n 4 1985 p 539 572 SOMVILLE Pierre Portrait de groupe avec un chien dans L image Deleuze Foucault Lyotard Paris Vrin 1997 p 153 161 STEINBERG Leo Velasquez Las Meninas dans October n 19 1981 p 45 54 STOICHITA Victor Imago Regis Kunsttheorie und k nigliches Portr t in den Meninas von Velazquez dans Zeitschrift f r Kunstgeschichte vol 49 1986 p 165 189 STOICHITA Victor Le sc nario po tique comme sc nario apor tique dans L instauration du tableau Paris M ridiens Klincksieck 1998 p 267 275 TH VOZ Michel Le miroir et l in fente dans Le miroir infid le Paris ditions de Minuit 1996 p 36 54 WOLF Norbert Vel zquez Cologne Taschen 2001 NOTES L usage en fran ais fut longtemps d crire V lasquez mais la graphie espagnole Vel zquez est maintenant largement adopt e Toutes les citations originales en allemand anglais ou espagnol sont des traductions libres sauf lorsqu une dition traduite en fran ais a t utilis e comme mentionn dans la bibliographie Les r f rences abr g es renvoient la bibliographie propos e ci dessus ARASSE D L il du ma tre dans On n y voit rien 2003 Il est ironique de constater que le nom sous lequel est maintenant connu ce tableau d signe des personnages somme toute d importance secondaire dans la composition
6. L intitul de M nines appara t pour la premi re fois dans le catalogue des collections du mus e du Prado en 1843 Voir S NCHEZ CANT N F J Las Meninas y sus personajes 1952 p 10 K Clark n imaginait peut tre pas combien sa comparaison tait appropri e La loi de la r flexion sur un miroir et on verra que les miroirs ont un grand r le dans le tableau est en effet parfois appel e loi d Euclide CLARK K Looking at Pictures 1960 5 GAUTIER Th Une esquisse de V lasquez dans Tableaux la plume 1880 p 227 Le mot est rapport par plusieurs commentateurs parfois depuis Justi sour la forme Mais o donc est le tableau LAFUENTE FERRARI E Vel zquez 1988 p 88 WOLF N Vel zquez 2001 p 81 TH VOZ M Le miroir infid le 1996 2 SOMVILLE P Portrait de groupe avec un chien 1997 10 PALOMINO A El Parnaso espa ol pintoresco laureado 1988 p 248 251 La fonction d aposentador ou grand chambellan tait habituellement r serv e un noble et conf rait honneur et avantages son titulaire faisant de lui l un des familiers du monarque Vel zquez fut nomm aposentador du palais en 1652 Il tait d j superintendant des collections royales depuis 1643 Jos Nieto tait aposentador de la reine et gardien des tapisseries 2 Il n y a presque aucun crit sur Les M nines qui ne cite ce mot Plusieurs explications ont t propos es
7. ainsi que leur mode de repr sentation une importance secondaire et presque accessoire S Puis apr s avoir argument sur plusieurs pages que Vel zquez a respect les r gles de la perspective de fa on tout fait orthodoxe Snyder en arrive la conclusion qu apr s tout l tude de la structure perspective d un tableau n apporte g n ralement pas une aide terrible pour en com prendre la signification et que ce serait une grossi re erreur de conclure que parce que Vel zquez avait la libert artisti que de prendre ses distances avec les r gles de la g om trie et la loi de la r flexion il n aurait pas trouv d int r t pictural imaginer un sch ma perspectif ing nieux destin produire des r sultats picturaux sp cifiques 5 Rejetant l id e que le tableau peut raisonnablement s interpr ter dans le cadre de l illusionnisme baroque Snyder affirme encore plus loin que l image du miroir qui n est apr s tout que la peinture d un miroir refl tant une image doit tre vue comme le reflet de l art de Vel zquez et non comme une image dont la cause se trouve dans le monde physique et que l on arrive lib rer Les M nines de la domination d une interpr tation exclusivement naturaliste 7 Enfin dans une note de bas de page Snyder admet que Je me suis abstenu de d crire un sc nario pour ce tableau surtout parce que je ne pense pas que la compr hensio
8. dominer aujourd hui bien qu elle ne soit plus unanimement accept e Carl Justi En 1888 l historien d art et philosophe allemand Carl Justi publie un important ouvrage sur Vel zquez Diego Vel zquez und sein Jahrhundert Pour Justi qui s interroge sur les circonstances qui ont pu pr sider la conception des M nines seul le hasard qui d apr s Leonardo m nerait souvent des trouvailles heureuses a pu conduire une composition aussi complexe Et Justi d imaginer le sc nario suivant lors d une s ance de pose du couple royal l infante fut pri e de rejoindre ses parents qui s ennuyaient Le roi qui tait lui m me moiti artiste 4 fut frapp par la vue de sa fille baignant dans la lumi re et par la disposition des membres de sa suite Il souhai ita que cette composition f t fix e sur la toile mais dans un environnement mieux appropri On transporte donc le chevalet dans les appartements du prince dont on ferme les fen tres non sans avoir demand Jos Nieto d ouvrir la porte du fond pour voir si une lumi re venant de l arri re aurait un effet heureux 107 Nous voyons donc la sc ne du point de vue du roi dont le reflet appara t au c t de celui de la reine dans le miroir On passe donc de l id e d un portrait de l infante mis en sc ne autour de la r alisation d un portrait royal celle d un simula cre de la r alisation de ce portrait Pour Justi Les M ni
9. 3 Le miroir est donc le centre de la composition Mais les choses ne sont videmment pas aussi simples car il est d autres centres dans cette composition Par sa position au milieu du groupe de personnages l avant plan et sur la ligne m diane de la toile l infante est le th me principal de la composition l objet m me de cette peinture Comme pour le prouver et le souligner mieux encore l auteur a eu recours une figure traditionnelle c t du personnage central il en a plac un autre agenouill et qui le regarde Comme le donateur en pri re comme l Ange saluant la Vierge une gouvernante genoux tend les mains vers la princesse Il y a donc deux centres qui peuvent organiser le tableau selon que l attention du spectateur papillote et s attache ici ou l Dans le sens de la profondeur la princesse se superpose au miroir dans celui de la hauteur c est le reflet qui se superpose au visage Mais le v ritable centre de la composition auquel le regard de l infante et l image dans le miroir sont finalement soumis est encore ailleurs c est ce point ext rieur au tableau en de de son plan o se trouvent la fois le couple royal dont le miroir donne le reflet le spectateur et aussi le peintre lorsqu il compose Les M nines Ces trois fonctions regar dantes se confondent en un point ext rieur au tableau c est dire id al par r
10. De plus ses deux voyages en Italie en 1629 31 et en 1649 1651 lui ont donn une connaissance directe des tendances artistiques du pays qui tait encore l avant garde de la cr ation picturale Diego Angulo l iguez a relev pour plusieurs tableaux de Vel zquez des similitudes de composition avec des uvres ant rieures Par exemple il rapproche La Reddition de Breda d une gravure de Bernard Salomon repr sentant la rencontre d Abraham et Melchis dech La forge de Vulcain du Saint Maurice du Greco d autres tableaux encore de gravures de D rer L exemple le plus frappant et sans doute le plus connu repris par Charles de Tolnay qui cite Diego Angulo est celui du tableau des Fileuses Las Hilanderas peint en 1644 1646 Les personnages l avant plan sont directement inspir s d gnudi peints par Michel Ange au plafond de la Chapelle Sixtine Diego Angulo tudiant ainsi dix tableaux de Vel zquez ne parle cependant pas des M nines dans son ouvrage N avait il pas de trouv de mod le dont aurait pu s inspirer le peintre comme pour d autres de ses r alisations D autres auteurs en trouveront ou penseront en trouver par la suite Il y a presque unanimit pour voir dans Les poux Arnolfini de Jan Van Eyck un pr curseur du miroir des M nines Ce tableau faisait partie des collections royales et Vel zquez y avait donc directement acc s Mais alors que Van Eyck utilise le miroir comme t moin pictural d
11. Flandres et de l artiste De plus Teniers comme Vel zquez et Rubens ambitionnait l anoblissement par le roi d Espagne qui aurait constitu la reconnaissance supr me de la noblesse de l art de la peinture Mais la ressemblance s arr te l les M nines ne sont pas l illustration d un cabinet d amateur les tableaux qui d coraient l atelier de Vel zquez n y sont ni expos s comme dans un cabinet d amateur ni mis ostensiblement en valeur Ils sont au contraire plong s dans la p nombre qui rend leur identification impossible premi re vue Victor Stoichita a plac pour sa part Les M nines dans la perspective des autoportraits de l autoth matisation auctoriale o le peintre nest pas seulement objet de la repr sentation mais est repr sent en sujet agissant ins tance op rante la premi re personne Les M nines se situent dans une lign e de tableaux tels que Le peintre dans l atelier de Rembrandt 1628 Boston Museum of Fine Arts la Sc ne d atelier de Jan Miense Molenaer 1631 Berlin Gem ldegalerie l Autoportrait de Johannes Gumpp 1646 ou encore L art de la peinture de Vermeer 1665 Vienne Kunsthistorisches Museum Hans MIELICH Roland de Lassus et ses musiciens enluminure vers 1565 mentionn e par G Kubler La similitude avec le d cor des M nines ne se limite plus aux fen tres du mur lat ral Non seulement l enlumi nure montre aussi une porte ouverte dans le
12. Idem p 30 Idem p 31 Hubert Damisch d plore que l analyse de Foucault n ait pas connu de suites imm diates au moins en France Car il n en va pas de m me aux tats Unis o apr s un temps d incubation la litt rature sur les M nines a si bien prolif r qu on doit aujourd hui s excuser d y ajouter DAMISCH H op cit p 439 KAHR M M Vel zquez and Las Meninas 1975 p 244 SEARLE J R Las Meninas and the Paradoxes of Pictorial Represen tation 1980 p 481 Idem p 483 Idem p 485 Idem p 488 DAMISCH H op cit p 444 SNYDER J amp COHEN T Reflexions on Las Meninas Paradox Lost 1980 p 430 Idem p 433 K Clark We are standing just to the right of the King and the Queen J A Emmens op cit p 72 et Madlyn M Kahr op cit p 242 taient de ceux qui avaient d j correctement identifi le point de fuite sans toutefois en tirer de cons quence sur le sujet de la grande toile vue de dos ou sur la nature du reflet dans le miroir Idem p 441 Le premier paragraphe de l appendice donne une illustration de la loi de la r flexion sur un miroir plan qui m ne cette conclusion STEINBERG L Velasquez Las Meninas 1981 p 46 47 Voir VALCONAVER Francesco Tout l uvre peint de Titien Flammarion 1970 r f n 296 STEINBERG L op cit p 52 note en bas de page Idem p 52 LAFUENTE FERRARI E op cit p 97 ALPERS S In
13. Snyder dans son article de 1985 Il est pourtant vident que pour Vel zquez et ses contempo rains son commanditaire royal en premier la composition et la r alisation des M nines devaient tre conformes aux th o ries et aux conventions picturales du XVIIe si cle m me si Picasso a pu un moment s amuser travailler et d structurer sa fa on la construction de Vel zquez Rupture baroque des limites du champ du tableau d fi la th orie de la repr sentation paradoxes de la repr sen tation picturale composition instable chevauchement de modes contradictoires de repr sentation centre imagi naire pseudo reflet quand on ne met pas carr ment en doute ne f t ce que bri vement l int grit mentale de Vel zquez des tr sors d imagination et d rudition ont t d ploy s pour donner aux M nines un sens une logique une unit de conception qui nous semblent maintenant perdus et qui pourtant ne pouvaient l origine qu avoir exist 112 Les sources d inspiration et les interpr tations de fond des M nines Les sources iconographiques Il est reconnu depuis longtemps que Vel zquez a puis dans sa connaissance des chefs d uvre plus anciens pour com poser certaines de ses propres uvres Il tait bien plac pour cela en tant que responsable on dirait aujourd hui conserva teur des collections du roi et donc aussi de ses nombreuses acquisitions
14. Vel zquez n est pas seulement une famille de nobles migr s et d chus la pr occupation pour lascendance devait encore y tre obsessionnelle Dans l intimit familiale la l gende tait toujours vivante que les Silva descendaient rien de moins de Silvius le fils d En e roi d Albe Mais la fortune avait t adverse et dans l humilit pr sente la glorieuse tradition familiale se stylisait s purait en un mythe religion Dans la strate originelle la plus enfouie de son me Vel zquez trouvait cet imp ratif Tu dois tre un noble ORTEGA Y GASSET J Vel zquez et Goya 1990 p 32 Voir aussi BROWN J op cit p 131 132 J Brown relate toutes les p rip ties de cette enqu te BROWN J op cit p 137 138 DE TOLNAY Ch op cit 1949 p 36 37 Voir SANCHEZ CANT N F J op cit p 14 Curieusement nombre de commentateurs parlent pour la copie de Jordaens d un Apollon et Pan plut t que d Apollon et Marsyas C est le cas par exemple de J A Emmens G Kubler V Stoichita etc On pourrait penser que la proximit de S nchez Cant n alors sous directeur du Prado avec les toiles elles m mes et les descriptions des inventaires anciens devrait nous incliner accepter sa version Mais rien n est simple avec Les M nines et M Mena Marqu s actuelle conservatrice du Prado nous affirme quant elle qu il s agit d Apollon et Pan op cit p 143 Il s agit peut tre d un point d imp
15. a r sum ainsi les interrogations qui viennent l esprit de l observateur attentif Les questions fondamentales que lon pose sans cesse propos de ce tableau sont les suivantes qu est donc en train de peindre Vel zquez O se tenait Vel zquez pour peindre la fois la sc ne et lui m me Quelle est la source de l image refl t e dans le miroir c est dire o se trouvent le roi et la reine dans la salle pour appara tre dans le miroir Et enfin est il significatif que l habit du peintre porte ostensiblement la croix de l Ordre de Santiago L objet de ce travail est de retracer les questionnements et les r flexions que Les M nines a suscit s depuis plus d un si cle et de proposer une explication qui rende compte des ambigu t s de cette toile L id e m en est venue lorsque Pierre Somville a fait r f rence lors d un cours l Universit de Li ge l analyse d velopp e par Michel Th voz et qu il a lui m me reprise dans un article Je le remercie ici de m avoir communiqu ces r f rences Mais Michel Th voz n est pas all au bout du raisonnement qu il a amorc et qui aurait d d boucher sur une interpr tation 105 VEL ZQUEZ Les M nines 1656 Madrid Mus e du Prado coh rente et globale du tableau J esp re pouvoir faire ici quelques pas suppl mentaires dans cette direction Dans un premier chapitre j examinerai les r ponses donn es par les his
16. d j comme une esquisse de Vel zquez bien que ce soit incompatible avec la pr sence de la croix de l Ordre de Santiago C est sans doute parce que del Mazo a compris que le dispositif perspectif donn par le deuxi me miroir tait irr ductible une repr sentation conventionnelle qu il n a pas pouss le travail plus loin Conclusion L explication de l utilisation d un grand miroir par Vel zquez replace Les M nines dans le cadre de l illusionnisme baro que dont parlaient J Brown et J Snyder Mais le paradoxe s il est r solu na pas compl tement disparu Ce n est plus comme l affirmait J Searle du fait que le point de vue de l artiste est impossible parce qu il n est pas l endroit o il aurait d se trouver pour peindre la sc ne l endroit m me o se trouve le spectateur C est en fait l oppos l apparence paradoxale du tableau vient du fait que Vel zquez n a jamais occup la place o se trouve le specta teur Il ne s est jamais trouv que devant son miroir l g re ment de biais par rapport aux lignes de r f rence que sont les ar tes de la pi ce Son point de vue ou point de fuite n est pas celui qui se pr sente au spectateur qui se trouve en un point que le peintre n a jamais occup Pour parler en termes de th orie de la perspective lin aire son intersegazione visuelle n est pas la n tre ne l a jamais t et ne le sera jamais Le spectateur doit f
17. d terminer la diminution de hauteur en fonction de la distance d de l objet par rapport au miroir et de l angle d inclinaison du miroir Pour de faibles inclinaisons h 2d cost
18. du miroir et d placement du point de fuite apparent Il nous faut cependant encore d autres arguments pour empor ter l adh sion ce qui n est encore qu une conjecture Et c est ici que l hypoth se simple et novatrice de Michel Th voz va prendre du poids Il pense en effet que non seulement Vel zquez a utilis un deuxi me miroir mais que celui tait dispos en l ger biais par rapport au mur du fond il s agit ici d un sch ma de principe En r alit le miroir n tait pas aussi oblique par rapport aux murs ce qui lui permettait de voir l ensemble du groupe Le pivotement m me faible du miroir autour d un axe vertical induit des effets sensibles de d place ment de l image virtuelle qu il renvoie On trouvera l appen dice paragraphe 2 l explication de ces effets La th orie de la perspective lin aire nous dit que le point de fuite des parall les normales au plan de vision se trouve en face des yeux du spectateur Pour Vel zquez qui peint ce qu il voit dans le miroir son point de fuite est plac l intersection de la perpendiculaire au miroir partant de ses yeux Comme le miroir est plac l g rement de biais cette perpendiculaire n est plus parall le aux ar tes de la pi ce Celles ci doivent donc converger vers un point de fuite secondaire distinct de ce qui est le point de fuite principal pour Vel zquez et d cal sur le c t 17 Conclusion ce qui est pour nous le point de fuit
19. fond de la salle mais son sujet est une performance musicale mettant le compositeur en valeur en pr sence du souverain tout comme Vel zquez s est mis en valeur en pr sence du couple royal dans Les M nines Mais Kubler a sans doute raison d ajouter que lon ne peut prouver que Vel zquez a pu avoir connaissance d un manus crit conserv dans la biblioth que des princes de Bavi re et dont on ne conna t ni copie ni repro duction grav e Mielich et Vel zquez se seraient ils donc inspir s d une source iconographique commune 74 Plus simplement on pourrait plut t voir dans ces ressemblances une similitude vidente de conception architecturale chez les architectes b tisseurs de pa lais Madlyn Millner Kahr et d autres auteurs sa suite mettent Les M nines en rapport avec la tradition des tableaux de Cabinets d amateurs r alis s aux XVIS XVIIS si cles par des peintres anversois tels que Frans Francken p re et fils DT A David TENIERS LE JEUNE L archiduc L opold Guillaume dans sa galerie de peintures Willem van Haecht et plus particuli rement David B uxelles 1647 Madrid Mus e du Prado 113 Mais pour int ressants que puissent tre ces rapprochements en ce sens qu ils d montrent que l id e de la dissociation du peintre op rant et du peintre mod le tait largement mise en uvre au XVII si cle ils ne suffisent pas pour retrouver le sens du tableau de Vel zquez et en comprendre l
20. grand chose mais je n ai pas eu acc s aux clich s originaux Si l on accepte l id e que les moyens techniques actuels permettent effectivement de supposer qu il y a bien eu une premi re version diff rente du tableau ces moyens restent cependant insuffisants pour d terminer combien de temps a pu s couler entre une premi re version et la version finale Corrections imm diates ou reprise tardive du tableau Le concetto courtisan et l interpr tation m taphysique Daniel Arasse repart de l analyse de Foucault mais veut la replacer dans son contexte historique dont Foucault avait fait abstraction Tu voudrais comprendre comment un tableau historiquement d termin r alis et regard dans telles et telles conditions mat rielles et culturelles a pu produire des effets impr vus impr visibles et m me impensables pour son auteur et ses destinataires Ce que tu voudrais c est com prendre comment ce tableau a pu susciter ces effets anachro niques sans contredire ce que tu peux savoir ou reconstituer des conditions dans lesquelles il a t con u 191 Tout en faisant partiellement ou totalement siennes certaines conclusions d auteurs ant rieurs le centre imaginaire de Damisch le double corps du roi l apologie de la noblesse de la peinture l interpr tation dynastique propos e par M Mena Marqu s Arasse ajoute l interpr tation de Foucault deux l ments originaux Au premier
21. ils devraient tre L inclinaison du miroir rend galement compte de ce que la ligne d horizon du tableau para t plus basse que les yeux du peintre Tous les points de fuite des horizontales sont bien la m me hauteur sur la m me ligne d horizon Mais cet horizon au fond du tableau est du fait de l inclinaison du miroir repr sent plus bas que le niveau des yeux du peintre qui se trouve plus pr s de celui ci Philippe IV et Vel zquez taient sans doute approximative ment de la m me taille et donc avoir en position debout une m me ligne d horizon Cette ligne reste bien au niveau des yeux du roi qui dans la r alit sont la m me distance du sol que les yeux de Vel zquez Ce n est donc que l inclinaison du miroir qui semble dissocier ces deux horizons et qui m ne Daniel Arasse lui attribuer une valeur symbolique Il suffit d un faible angle d inclinaison pour produire les effets observ s On peut assez facilement calculer en utilisant la formule donn e dans l appendice que si le miroir du fond se trouve 13 m du miroir et Vel zquez 3m pour une diff rence de hauteur de 0 12 m entre les yeux de Vel zquez et ceux du reflet du roi l angle d inclinaison du miroir est inf rieur 1 Restauration de la perspective morale Ainsi ce sont la disposition des personnages dans la pi ce et l inclinaison du miroir qui expliquent leurs tailles apparentes dans le tableau C est une pure appli
22. interpr tation des M nines jusqu au milieu du XX si cle Palomino Le premier commentateur et biographe de Vel zquez est Antonio Palomino de Castro y Velasco que l on a surnomm le Vasari espagnol Il est nomm peintre du roi Carlos Il en 1688 En 1715 1724 il publie un ouvrage en trois volumes Museo pict rico y escala ptica ouvrage th orique sur les arts dont le dernier tome El Parnaso espa ol pintoresco laureado est un ensemble de biographies de peintres et sculpteurs espagnols dont Vel zquez pour lequel il avait autant d estime que Vasari n en avait pour Michel Ange Il n a cependant pas pu conna tre le ma tre de son vivant Palomino tait n en 1553 six ans seulement avant la disparition de Vel zquez Palomino consacre aux M nines tout un chapitre O lon d crit l uvre la plus illustre de Don Diego Vel zquez et nous fournit un certain nombre de pr cisions int ressantes 1 Presque tous les personnages sont identifi s les m nines Do a Maria Augustin Sarmiento gauche et Do a Isabel de Velasco droite les nains Marib rbola et Nicolasito Pertusato la du gne Do a Marcela de Ulloa l homme se profilant dans la porte du fond Don Jos Nieto aposentador de la reine et bien s r Vel zquez lui m me Seuls le guarda damas et le chien n ont pas de nom connu Le tableau a t peint en 1656 alors que l infante avait 5 ans Pas plus que l identification des
23. miroir En l absence de miroir le rapport des regards ne s tablit plus qu entre les personna ges qui regardent le spectateur et le spectateur qui regarde la sc ne Il ny a plus de paradoxe Joel Snyder publie un long article en 1985 dont l objet principal est de donner au tableau le sens d un miroir des princes voir plus loin Il examine nouveau la question du point de fuite pour conclure que celui ci ne devrait pas avoir l importance qu on lui donne En regardant Les M nines nous sommes pris nous dit on dans une r p tition sans fin marchant sur un ruban de M bius pictural jouant un jeu vertigineux de changements de topoi je suis d abord ici puis l puis l bas puis de nouveau ici changeant de personnalit de sexe de nombre je suis moi je suis Vel zquez je suis le roi je suis la reine je suis le roi et la reine je suis nouveau moi Ces analyses ne permettent pas de progresser en d coupant le tableau en minuscules parcelles et en privil giant l un ou l autre de ses sujets ou objets identifiables Elles proc dent plut t en pla ant la source de notre fascination pour le tableau dans un seul l ment structurel qui est dans un sens important invisible sa perspective Cela me semble curieux cela loge la puissance du chef d uvre ind niable de Vel zquez dans ses l ments structu rels invisibles et r duit donc les diff rents personnages et objets repr sent s
24. niveau et pour simplifier le pseudo reflet du couple royal r sulte d un concetto courtisan d un hommage de Vel zquez la personne du roi confirm dans sa position absolue de monarque Au travers de ce miroir le roi est l omnivoyant puisque les regards qui sortent du tableau sont cens s tre tourn s vers lui qui les regarde la fois depuis son bureau d t et du fond du tableau A ton avis comme concetto courtisan il tait difficile de faire mieux 12 De plus le point de fuite se trouve la hauteur du visage du roi l horizon du roi et d aucun autre personnage mais aussi par d finition la hauteur du spectateur C est par rapport lui seul le roi que se noue cette continuit entre l espace repr sent et l espace d o l uvre est regar d e 1 Par ailleurs Arasse rapproche Les M nines de la Critique de la raison pure de Kant Kant se fixait pour objectif partir de l analyse des conditions de possibilit de la connaissance de prendre l objet dans deux sens comme ph nom ne et comme chose en soi pour fonder une M taphysique bien tablie en tant que science Vel zquez lui grand peintre courtisan prend le roi comme ph nom ne sous l esp ce de sa famille et comme chose en so insaisissable dans le visible Il fonde ainsi dans son tableau la m taphysique de la royaut 1 Et pour conclure Vel zquez s
25. paru en 1990 D abord consid r e comme tant de la main de Vel zquez elle est maintenant attribu e son gendre Juan del Mazo Elle est cit e dans un inventaire de la collection du marquis del Carpio en 1677 1 Nous avons donc un premier intervalle de dates 1656 r alisation de l original et 1677 Cet intervalle peut tre r tr ci si nous acceptons l attribution del Mazo mort en 1667 et que comme nous l assure E Harris 1 bien que cela ne soit gu re visible sur la reproduction ci dessus la croix de l Ordre de Santiago figure d j sur la poitrine de Vel zquez ce qui n tait possible qu partir de 1659 En comparant l original et la copie ramen s une m me taille la copie ne mesure que 140 x 124 cm on peut constater que non seulement il n y plus de reflet dans le miroir mais aussi que les proportions des personnages ont t sensiblement modifi es l infante est nettement plus petite dans la copie de m me que la naine Marib rbola La taille des m nines et du nain Pertusato est aussi r duite par rapport l original quoique de fa on moins marqu e Pourquoi de tels changements Palomino parle des talents de copiste de Juan del Mazo dans la biographie qu il lui a consacr e Il tait un copiste in galable particuli rement des uvres de son ma tre de sorte qu il est presque impossi ble de distinguer la copie de l original 15 Les M nines gauche Copie de Kin
26. peintre travailler discuter de peinture ou de tout autre sujet li la fonction d aposentador Cette sorte d intimit artistique entre le peintre et son ma tre ne signifie cependant pas que Vel zquez avait pleine libert pour composer sa guise les tableaux qui repr sentaient le roi et les membres de sa famille Il y avait un protocole tr s strict qui pr sidait la r alisation des tableaux officiels Jonathan Brown qui se r f re des recherches de Juan Miguel Serrera le d crit ainsi La formule du portrait de 117 cour chez les Habsbourgs se caract rise par la figure gran deur nature montr e en entier ou de trois quarts Au fond sont repr sent es des fen tres des tentures ou des colonnes Pr s du personnage on voit une table un fauteuil ou un chien On recouvre g n ralement la table d une nappe de velours souvent rouge tre sur laquelle si le portrait est celui d un homme reposent une p e un b ton de commandement ou des gants si le sujet est une femme elle tient dans les mains un missel un foulard ou des gants Ces l ments peuvent tre combin s de diverses mani res mais ce sont les composants indispensables du portrait des Habsbourgs Une autre exi gence fondamentale est la ressemblance Les Habsbourgs espagnols comprenaient le portrait comme une fa on de refl ter la physionomie du sujet pas de la d guiser ou de l am liorer Par cons quent aucun appareil all gorique ou sym
27. personnages cette date n a gu re t remise en question Les personnages se trouvent dans les Appartements du Prince o selon Palomino pendaient des toiles de Rubens ayant pour objet des pisodes des M tamorpho ses d Ovide Le roi tenait ce tableau en haute estime et allait fr quem ment de m me que la reine l infante et leur suite voir l artiste en train de le r aliser Le tableau achev fut plac dans les appartements priv s du roi __ L insigne de chevalier de l Ordre de Santiago ne fut ajout sur la poitrine de Vel zquez que trois ans plus tard en 1659 apr s qu il e t t formellement admis comme membre de l Ordre Lorsque Luca Giordano Lucas Jord n en castillan arriva en 1692 Madrid l invitation du roi Carlos Il il aurait eu l occasion de voir le tableau et se serait exclam Sire c est la th ologie de la peinture Ce qui selon Palomino signifiait que tout comme la th ologie est la plus haute branche du savoir ce tableau est le meilleur de toute la peinture J aurai l occasion de revenir sur chacun de ces points En ce qui concerne le reflet de Philippe IV et de la reine dans le miroir Palomino y voit un dispositif ing nieux permettant de faire voir au spectateur ce que Vel zquez peint sur la toile qui nous est pr sent e de dos Vel zquez s est donc peint en train de r aliser un double portrait royal C est cette interpr ta tion qui tend encore
28. que nous verrons plus loin 5 JUSTI C Diego Vel zquez und sein Jahrhundert 1933 p 712 713 On sait que depuis Philippe Il les Habsbourgs taient initi s la pratique de la peinture Philippe IV avait t form par Fray Juan Bautista Maino et continuait peindre en amateur 5 J A Emmens se demande juste titre si le hasard peut vraiment jouer un r le aussi important dans l invention au XVII si cle Voir EMMENS J A Les M nines de Velasquez miroir des princes pour Philippe IV 1961 p 52 5 JUSTI C op cit p 714 Es ist das Bild der Herstellung eines Bildes 7 L infante Margarita n e en 1651 avait pous l empereur d Autriche L opold I en 1666 8 S nchez Cant n retrace l historique des appellations successives donn es au tableau 128 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 c Famille de sa Majest le roi Philippe IV dans un inventaire r alis apr s l incendie de 1734 La famille dans une mention de C an en 1800 le tableau est d crit comme L infante Do a Margarita qui ses dames pr sentent de l eau dans un b caro lors de l entr e du tableau au mus e du Prado en 1819 et enfin Les M nines dans le catalogue du mus e en 1843 S NCHEZ CANT N F J op cit p 10 Il s ag
29. reconstruit la hi rarchie d acc s la fonction et l tiquette correspondant chaque partie des quartiers priv s du monarque Le tableau tait donc bien destin l une des pi ces les plus priv es de l Alc zar Par ailleurs la mani re de repr senter l infante est bien diff rente de celle des portraits officiels Outre l absence des l ments indispensables pour le d cor il y a dans Les M nines une certaine intimit que l on ne retrouve pas ailleurs Une impression d intimit qui nous est donn e d abord par les attitudes naturelles des diff rents personnages comme prises sur le vif Nous ne sommes pas ici en pr sence de mod les prenant la pose en une attitude compos e fig e cherchant souligner leur grandeur et leur noblesse Il est int ressant de comparer cet gard le portrait de l infante dans Les M nines avec un autre tableau portrait tout fait officiel celui l que Vel zquez a r alis la m me ann e pour tre envoy la cour de Vienne On note la diff rence tr s sensible dans la pose de l infante d un c t comme surprise par un v nement qui distrait son attention et de l autre prenant l air le plus s rieux que peut prendre une enfant de cinq ans que lon a d j persuad e de la grandeur de son destin On remarquera aussi la diff rence dans le soin apport la coiffure Pour le portrait officiel les cheveux sont soigneusement peign s en boucles tandis que d
30. s l image royale L image du couple royal dans le miroir a valeur d piphanie d apparition Le reflet transforme le portrait officiel de pied que Vel zquez est en train de r aliser en un portrait de buste donc de caract re priv L aequalitas se transforme ainsi en imago le portrait intemporel en image ancr e dans son temps Cependant comme le double portrait officiel n a jamais t peint par Vel zquez Stoichita veut voir Les M nines comme la mise en sc ne de ce concept dans un environnement priv et intime L interpr tation dynastique des M nines Dans son essai de 2000 Daniel Arasse attire l attention sur ce qu il appelle l interpr tation dynastique des M nines propos e par Manuela Mena Marqu s conservatrice du Prado 98 M Mena Marqu s part d une interpr tation de la radiographie des M nines o elle pense distinguer entre les doigts de la naine Marib rbola sous la forme d un scintillement d un clat peine sugg r 7 la trace d un anneau qui aurait t ult rieurement effac par Vel zquez Le chien et l anneau auraient donc clairement valeur de symbole de la fid lit et de l ob issance Ob issance bien s r au roi puis la reine dont 115 Radiographie X des M nines l image est refl t e par le miroir et qui veillent amoureuse ment avec Marib rbola sur l infante Mais ce n est pas tout Du c t gauche du tableau l o se tr
31. savons qu il existait une porte sur le mur de gauche du salon derri re la toile retourn e 120 et face aux fen tres visibles droite c est par l que sont entr s le roi et la reine 1 Mais alors comment expliquer que leur reflet paraisse aussi lumineux Dans un premier temps elle se r f re nouveau A del Campo qui imagine un jeu de glaces Celui ci Jos Nieto ne soutiendrait pas un rideau mais une glace qui refl terait la lumi re provenant de la fen tre situ e en haut de l escalier et la renverrait vers une autre glace situ e en bas de l escalier de celle ci proviendrait le rai de lumi re qui entre par la porte du fond et passe en oblique par terre devant le miroir des souverains A del Campo imagine aussi que ce rayon atteint une lanterne magique qui projetterait sur la toile retourn e une image du Roi et de la Reine celle que renvoie le miroir 12 Du v ritable billard trois bandes Rosine L tinier pr f re pour sa part penser que le couple royal est clair par la r flexion sur le plancher du rayon lumineux provenant de la porte du fond Interpr tation inutilement compliqu e et peu vraisemblable Bien que les auteurs cit s par R L tinier aient publi en 1961 et 1978 leurs th ses n ont gu re eu d autre cho Je n en ai trouv qu une seule r f rence chez V Stoichita sans autre commentaire 8 Revenons en donc l hypoth se de Michel Th voz Pivotement
32. tre plus basse que l image Y du point Y situ plus pr s du miroir 1 Notons que le pivotement et ou le basculement d un angle tr s faible suffit d caler sensiblement l image virtuelle d objets loign s de quelques m tres du miroir L angle de pivotement et de basculement des figures 4 et 5 a t exag r dans le but de rendre la d monstration plus claire Toutes ces observations peuvent tre ais ment v rifi es par tout un chacun en faisant bouger le plan d un miroir tenu devant soi BIBLIOGRAPHIE La bibliographie consacr e Vel zquez et aux M nines est extr mement abondante et il na pas t possible de lire ni m me d obtenir tous les ouvrages qui leur sont consacr s Des auteurs comme Beruete Cam n Aznar du Gu Trapier Faure et bien d autres ont certainement contribu la connaissance de l uvre de Vel zquez Mais la liste des textes consult s pour ce travail contient pour l essentiel l ensemble des hypoth ses analyses et interpr tations donn es ce jour au sujet des M nines ALPERS Svetlana Interpretation without Representation or the Viewing of Las Meninas dans Representations n 1 1983 p 31 42 texte consult dans FERNIE Eric Art History and its Methods Londres Phaidon 1995 p 281 290 ANGULO I IGUEZ Diego Vel zquez como compus sus principales cuadros S ville 1947 ARASSE Daniel L il du ma tre dans On n y voit rien Paris Folio Essais 20
33. 03 p 175 216 premi re dition en 2000 chez Deno l BARDI P M Tout l uvre peint de Vel zquez avec une introduction de Yves Bottineau Paris Flammarion 1969 BOTTINEAU Yves V lasquez Paris Citadelles amp Mazenod 1998 BROWN Jonathan De la signification des M nines dans Images et id es dans la peinture espagnole du XVII si cle Paris G rard Montfort 1990 p 113 144 L original en anglais mages and Ideas in Seventeenth Century Spanish Painting fut publi en 1978 BROWN Jonathan Entre tradici n y funci n Vel zquez como pintor de corte dans Vel zquez Rubens y Van Dyck pintores cortesanos del siglo XVII Madrid 1999 p 51 66 CALVO SERRALLER Francisco Las Meninas de Vel zquez Madrid 1996 CHASTEL Andr La figure dans l encadrement de la porte chez V lazquez dans Fables formes figures t Il Paris Flammarion 1978 p 145 155 le texte original date de 1963 CHORD Frederic Graphics for the Analysis and Perspective in Visual Art Las Meninas dans Leonardo vol 24 n 5 1991 p 563 567 CLARK Kenneth Looking at Pictures New York Holt Rinehart amp Winston 1960 Les pages consacr es aux M nines sont disponibles sur Internet l adresse suivante http www artchive com meninas htm consultation le 19 02 2008 COMAR Philippe La perspective en jeu les dessous de l image Paris Gallimard 1992 p 114 117 DAMISCH Hubert L origine de la perspective Paris Flammarion
34. Age Paris Gallimard 1989 STOICHITA V op cit 1986 p 183 84 5 Idem p 186 ARASSE D op cit p 208 211 M Mena Marqu s avait pr sent son analyse lors d un cycle de conf rences au Prado organis en 1996 auquel D Arasse avait galement contribu Le th me g n ral en tait le d tail dans les uvres conserv es au Prado Le texte de ces conf rences a t publi dans El Museo del Prado Fragmentos y detalles Madrid 1997 sr MENA MARQU S M op cit 1997 p 141 38 dem p 152 153 9 Idem p 155 10 KUBLER G op cit 1966 p 213 101 ARASSE D op cit p 182 102 Idem p 194 103 dem p 198 1 dem p 206 105 dem p 215 216 1 Par exemple MOFFITT J Anatom a de Las Meninas realidad ciencia arquitectura 1986 CHORDA F Graphics for the Analysis and Perspective in Visual Art Las Meninas 1991 107 BROWN J op cit 1990 p 113 108 J Brown se r f re un article de Juan Miguel Serrera Alonso S nchez Coello y la mec nica del retrato de corte paru dans Alonso S nchez Coello y el retrato en la corte de Felipe II Madrid Museo del Prado 1990 10 BROWN J Entre tradici n y funci n Vel zquez como pintor de corte 1999 p 55 110 PALOMINO A op cit p 251 111 Par exemple STOICHITA V op cit 1993 p 267 112 CALVO SERRALLER F Las Meninas de Vel squez 1996 p 26 L auteur cite le travail de LIS
35. Dans la conversation Picasso fait une affirmation pr monitoire Si quelqu un se mettait copier Les M nines en toute bonne foi et si j tais ce quelqu un je me dirais Qu est ce que cela donnerait en mettant celle ci un tout petit peu plus droite ou gauche Et j essaierais de le faire ma fa on oubliant Vel zquez L essai me m nerait certainement modifier ou changer la lumi re pour la raison que j aurais chang un personnage de place Ainsi peu peu je peindrais des M nines qui para traient d testables au copiste officiel ce ne seraient pas celles qu il croirait avoir vu sur la toile de Vel zquez mais ce seraient mes M nines Sept ans plus tard naissent de nouvelles M nines Les M nines de Picasso une interpr tation libre qui transforme radicalement le langage esth tique de l uvre de Vel zquez RAFART PLANAS C Las Meninas de Picasso 2001 En r alit Vel zquez est aussi le nom de la m re du peintre et non de son p re qui s appelait Juan Rodriguez de Silva DAMISCH H op cit p 450 Foucault attribuait d j une fonction Jos Nieto mais par le contraste d une figure en chair et en os en tout cas de sa repr sentation sur la toile et d un reflet immat riel FOUCAULT M op cit p 26 ARASSE D op cit p 182 Idem p 194 ANGULO I IGUEZ D Vel zquez como compus sus principales cuadros 1947 DE TOLNAY Ch Vel squez Las Hilanderas and
36. L Italien entendait plut t dire que dans ce tableau il se manifestait quelque 123 chose de la divinit de la peinture de cette deit que L onard attribue la science divine de la peinture 1 Le mot de Giordano en supposant qu il ne soit pas apocry phe prend par contre une signification tr s claire si l on consid re le r le de la symbolique de la lumi re dans Les M nines Depuis le Moyen ge la lumi re a jou un r le important dans la th ologie chr tienne 1 Si les vitraux des cath drales voquaient Dieu par la lumi re qu ils laissaient passer Les M nines voque la filiation divine du roi par la lumi re qui irradie de sa personne et de sa famille Giordano a t il devin ce concetto du tableau Peut tre plus vraisemblablement aura t il re u la confidence de la reine ou d une m nine Alors que Philippe IV et Vel zquez taient cette date morts depuis longtemps et que l infante devenue imp ratrice par son mariage avec L opold I vivait Vienne la reine m re Maria Ana tait encore en vie elle d c dera en 1695 et l on peut supposer que l une ou l autre m nine adolescente au moment de la r alisation des M nines a pu aussi rencontrer Giordano Revenons enfin la comparaison du tableau de Vel zquez avec la copie faisant partie de la collection Bankes conserv e King Lacy d j mentionn e la note 53 Enriqueta Harris en retrace l histoire dans un article
37. Las Meninas an interpretation 1949 p 24 JUSTI C op cit p 716 EMMENS J A op cit p 71 et 73 EMMENS J A op cit p 71 et 73 KUBLER G Three Remarks on the Meninas 1966 p 212 C est le point de vue adopt par M Mena Marqu s qui cite Kubler MENA MARQUES M El encaje de la manga de la enana Mari B rbola en Las Meninas de Vel zquez 1997 p 149 KAHR M M op cit p 229 239 STOICHITA V op cit 1993 p 269 STOICHITA V op cit 1986 p 187 189 et STOICHITA V op cit 1993 p 271 272 Vel zquez payait encore cet imp t en 1637 J Brown crit ce sujet Pour un peintre arriv une position certaine dans la maison du roi c tait d gradant Pour un peintre qui nourrissait galement des ambitions de courtisan c tait intol rable Voir BROWN J op cit 1990 p 130 Voir aussi PACHECO F L Art de la peinture pr sentation par Lauriane Fallay d Este 1986 p 54 55 L Fallay d Este pr cise que la premi re dition du trait date de 1649 mais que Pacheco a affirm que le livre tait achev d s 1638 sans pouvoir pr ciser les raisons du retard de la publication Idem p 60 61 Selon P M Bardi les autorit s religieuses n auraient autoris la publication qu en 1641 BARDI P M Tout l uvre peint de Vel zquez 1969 p 84 Voir par exemple VALCONAVER Francesco Tout l oeuvre peint de Titien Flammarion 1970 p 85 La famille de
38. Les M nines comme apologie de l art de peindre Le d bat sur la reconnaissance de la noblesse de la peinture et de la sculpture arts lib raux et non arts m caniques pratiques intellectuelles l gal de la po sie et des math ma tiques avait t r gl l avantage des artistes depuis le XVIS si cle en ltalie II n en tait pas de m me en Espagne o au d but du XVIIe si cle les peintres sont encore consid r s comme des artisans pratiquant un m tier manuel et vendant une marchandise qui doit payer l imp t l alcabala Ceci irritait videmment les peintres particuli rement ceux qui avaient voyag ou travaill en Italie qui lutt rent pour la reconnais sance de la peinture comme art noble Ils eurent gain de cause en 1638 par un jugement du Tribunal qui exemptait les peintres de l imp t Mais il fallut encore des ann es avant que la peinture ne soit largement reconnue comme art lib ral donc noble C est dans ce contexte que Francisco Pacheco qui fut le ma tre de Vel zquez avant de devenir son beau p re crit son trait L Art de la peinture o il reprend les anciens arguments des th oriciens italiens depuis Leonardo sur les justifications de la noblesse de la peinture et de la sup riorit de celle ci sur la sculpture Pacheco meurt en 1644 et n a donc pas pu voir Les M nines r alis es en 1656 114 L aspiration g n rale des artistes la reconnaissance de la noblesse de leur ar
39. Marqu s qui cite cette remarque de Kubler y voit le signe que Vel zquez n a pas repr sent de salle r elle mais un lieu imaginaire t8 Mais les remarques de F I iguez Almech ne s arr tent pas l et il est int ressant de poursuivre la lecture au paragraphe suivant Ce ne peut tre que la galerie du Cierzo 19 si l on admet une petite variante au fond de la galerie il n y a qu une porte gauche derri re montent les escaliers dans les conditions exactes du tableau mais en sens contraire Tout cela ne donne t il pas l impression d une inversion lat rale produite par un miroir Encore faudrait il que les fen tres de la pi ce soient aussi du c t gauche ce qui n est ni pr cis ni infirm par l iguez Almech Celui ci ajoute toutefois que le nombre de marches du plan de l escalier 11 ne concorde pas avec le tableau 6 Libert prise par Vel zquez ou produit de remaniements architecturaux ult rieurs l tablissement du plan 119 En fait la question de l identification des lieux est tr s compli qu e d une part parce qu elle se base essentiellement sur un relev effectu en 1626 par G mez de Mora avant que Vel zquez lui m me dans son r le d architecte du roi n ap porte des modifications plus ou moins substantielles et d autre part parce que les noms donn s aux diff rentes pi ces ne sont ni d usage constant ni syst matiquement report s sur les plans En sui
40. ON TOLOSANA C La imagen del rey Monarqu a realeza y poder ritual en las casas de los Austrias Madrid 1991 p 142 113 JUSTI C op cit p 714 114 SEARLE J op cit p 486 15 Dans un article paru en 2005 Rosine L tinier de Arvizu reprend l id e publi e dans deux essais ant rieurs au livre de Th voz DEL CAMPO Y FRANCES A La mag a de Las Meninas una iconograf a Madrid 1978 DE MOYA R El trazado regulador y la perspectiva en Las Meninas dans Arquitectura n 3 1961 id e de l utilisation par Vel zquez d un double miroir dont les deux parties auraient t dispos es angle droit comme un livre pos debout et ouvert 90 dans le coin de la pi ce Curieuse hypoth se sur laquelle elle ne reviendra plus LETINIER DE ARVIZU R Les M nines r ponse une triple nigme 2005 p 69 129 5 KUBLER G op cit 1966 p 212 7 I IGUEZ ALMECH F Casas reales y jardines de Felipe II 1952 p 98 18 MENA MARQU S M op cit 1997 p 149 Litt ralement la galerie de la bise 120 Ainsi tous les auteurs ne sont pas d accord sur la localisation de l atelier de Vel zquez l appartement du prince I iguez Almech le voit dans l aile nord du palais tandis que J Moffitt le situe dans l aile sud MOFFITT J op cit 1986 p 175 1 Jusqu apr s le milieu du XVIF si cle les glaces miroirs qui faisaient fureur dans toute l Europe t
41. Yves Dubois ydubois skynet be Les M nines de Vel zquez l unit retrouv e Introduction Les M nines Ce tableau de Vel zquez est de ceux qui ont attir le plus d attention de la part des historiens de l art et des philosophes de ceux qui ont suscit des kilom tres de lignes de commentaires au point que Daniel Arasse commen ait son essai en 2000 par cette phrase Les M nines Encore Non Non Par piti a suffit avec Les M nines On a tout dit sur elles Tout et rien D accord mais quand m me maintenant a commence bien faire pour ensuite embrayer avec un essai de quarante pages sur le sujet Et de fait le tableau reste fascinant par l impression imm diate qu il provoque chez le spectateur puis par l nigme qu il semble poser dans sa composition II en impose d abord par ses dimensions 3 18 m tres de haut et 2 76 m tres de large Neuf personnages y sont repr sen t s grandeur nature Ce sont l infante Margarita et deux demoiselles de compagnie que l on appelait m nines une naine un nain qui taquine du pied un chien endormi une du gne chaperonne de ces demoiselles un garde du corps Sur le c t gauche de la toile Vel zquez peignant une toile de grandes dimensions et dans le fond droite un autre person nage se profilant contre jour dans l embrasure d une porte s ouvrant sur un espace baign de lumi re Tous ces person nages sont dis
42. a construc tion La recherche de sources picturales qu aurait pu utiliser Vel zquez pour Les M nines ou qui l auraient influenc atteint rapidement ses limites M me si les th mes du miroir et de l autoportrait avaient d j t exploit s par d autres peintres avant lui ce ne sont l que des l ments de la composition des M nines et aucun pr c dent ne peut rendre compte globalement de l originalit de l uvre de Vel zquez Les sources th oriques On sait par les inventaires r alis s apr s sa mort que Vel zquez avait une collection importante plus de 160 volumes a t on relev d ouvrages th oriques consacr s la peinture et aux arts ainsi que des trait s de g om trie d arithm tique d astronomie d architecture etc Son beau p re Francisco Pacheco tait lui m me rudit et avait crit un trait L art de la peinture qui reprenait les id es de th ori ciens italiens comme Lomazzo et Zuccaro Vel zquez parta geait pleinement l id e que l artiste accompli devait aussi tre un homme de savoir initi la po sie comme la math mati que condition d ailleurs n cessaire pour que l artiste puisse se diff rencier du statut d artisan et se r clamer de la noblesse de l art V Stoichita insiste particuli rement sur l influence qu auraient eue les th oriciens du mani risme particuli rement Zuccaro sur la symbolique du miroir dans la peinture de Vel zquez 77
43. aient un quasi monopole de ma tres verriers v nitiens J Thuillier raconte comment des verriers de Murano avaient t d bauch s pour venir en France produire les miroirs n cessaires la galerie des Glaces de Versailles et comment les Italiens ont tent de prot ger leur monopole THUILLIER J La galerie des Glaces Chef d uvre retrouv Paris D couvertes Gallimard 2007 Notons aussi que la mode des grands miroirs avait galement touch Madrid et qu il y avait dans le palais de l Alc zar d j du temps de Vel zquez une salle appel e salle des Glaces Sal n de los espejos perdue lors de l incendie de 1734 LAFUENTE FERRARI E op cit p 83 L TINIER DE ARVIZU R op cit p 69 Idem p 70 Ibidem STOICHITA V op cit 1986 p 167 note 8 et p 168 note 11 L angle de pivotement du miroir ne doit pas tre lev pour obtenir un effet sensible Le calcul montre que pour un d placement apparent du point de fuite de 1 7 m vers la droite et pour une distance de 13 m du mur du fond par rapport au miroir l angle ne doit tre que de l ordre de 7 5 pour produire le d placement observ Si la longueur de la salle est estim e 20 m cet angle ne sera plus que d environ 5 ce qui corrobore le fait que plus l objet est loign du miroir plus l effet du pivotement sera marqu 2 CLARK K op cit 1 STOICHITA V op cit 1986 p 166 1 Idem p 184 1 Rosine L t
44. aire l effort intellectuel de s imagji ner la place de Vel zquez face ce miroir que nous ne voyons pas Sans ce mode d emploi le tableau gardera son aspect nigmatique On peut l gitimement se demander pourquoi l hypoth se du second miroir n a pas t voqu e plus t t et pourquoi tant d auteurs se sont acharn s vouloir lucider la perspective des M nines partir d une vue frontale de la sc ne repr sen t e C est d autant plus tonnant que l on sait que c est aux XVI et XVIIe si cles que le miroir plan provenant alors principalement de Murano est devenu la mode en Europe et que les autoportraits d artistes face un miroir se sont multipli s 15 Est ce d la focalisation de l attention des auteurs sur le miroir du fond et sur son articulation avec l ensemble de la composition Miroir attribut de la Prudence et de la Vue mais aussi de la Vanit et de la Luxure miroir qui montre et miroir qui cache miroir qui cr e une image immat rielle partir d une pr sence r elle le miroir est dans l esprit du temps celui du trompe l il de l artifice et de la poudre aux yeux L poque baroque est celle de la machinerie th trale de la mise en sc ne sophistiqu e et l on sait que Philippe IV tait grand amateur de th tre Que reste t il maintenant des diverses interpr tations donn es aux M nines Une chose est en tout cas acquise le doute est lev sur le sujet du tableau q
45. ais explicables On ne saura jamais combien il aura fallu d heures de discussion entre Vel zquez et le roi pour que celui ci accepte l ensemble des id es propos es par son peintre On peut supposer que le remplacement de la pers pective morale conventionnelle par la symbolique de la lu mi re a d particuli rement le s duire Les paradoxes appa rents de l image refl t e par le miroir ne leur ont certainement pas chapp Ils ont d d j prendre un certain plaisir imaginer les questions que se poseront plus tard des specta teurs devant ce tableau qui est la parfaite repr sentation le reflet m me d une r alit visible et qui en m me temps a une apparence paradoxale Il fallait que Vel zquez redresse certaines inversions de lat ralit produites par le miroir C est le cas des tableaux accroch s au mur du fond Au regard de ceux qui connais saient les originaux ne pas redresser l inversion aurait produit le m me effet malheureux que pour nous la projection d une diapositive invers e Le redressement des mains du peintre qui se pr sente comme droitier aux yeux du spectateur malgr l inversion sp culaire est courant cette poque m me si l on a peine trouver une r f rence th orique ce sujet 14 Pour le reste Vel zquez aurait pu utiliser un troisi me miroir pour inverser l ensemble de la sc ne ce qu il na manifeste ment pas fait Cela aurait effac les traces du dispositif ing nieux q
46. ans Les M nines la coiffure est nettement moins labor e Enfin comme le souligne Daniel Arasse il serait tonnant de voir un chien aussi endormi dans un portrait officiel Le deuxi me miroir L id e que Vel zquez a pu utiliser un grand miroir plac en face de lui pour peindre la sc ne avec l infante et les m nines qu il pouvait ainsi voir en reflet cette id e n est en fait pas toute neuve D j Carl Justi y faisait allusion la fin du XIXe si cle Nous voyons ce que ceux ci le couple royal voyaient pas ce que le peintre voyait mais qu il aurait pu voir dans un miroir qui serait accroch face lui Peut tre a t il effectivement utilis un miroir 1 3 Mais Justi ne pousse pas le raisonnement plus avant Pour J Searle l usage d un second miroir est impossible car il aurait d galement refl ter le couple royal de dos Et pourtant non seulement cette hypoth se est soutenue par plusieurs arguments mais elle conduit une explication plus coh rente du tableau Le m rite d avoir le premier expos argument l appui l hypoth se du deuxi me miroir revient Michel Th voz dans son ouvrage Le miroir infid le paru en 1996 Son explication semble toutefois tre pass e largement inaper ue des sp cia listes de Vel zquez 5 gauche d tail des M nines droite L infante Margarita l ge de cinq ans 1656 Vienne Kunsthistorisches Museum Si Vel zquez a effec
47. apport ce qui est repr sent mais parfaite ment r el puisque c est partir de lui que devient possible la repr sentation 33 Tout est maintenant en place pour d gager la conclusion recherch e malgr une utilisation r p t e du mot peut tre 3 Cest que peut tre en ce tableau comme en toute repr sentation dont il est pour ainsi dire l essence manifest e l invisibilit profonde de ce qu on voit est solidaire de l invisibi lit de celui qui voit Peut tre y a t il dans ce tableau de V lasquez comme la repr sentation de la repr sentation classique Par son invisibilit le sujet est lid et libre enfin de ce rapport qui l encha na it la repr sentation peut se donner comme pure repr sentation Les M nines est donc une illustration de la repr sentation non pas d un motif particulier mais du processus de repr sen tation en g n ral tel que con u l poque que Foucault appelle classique Corollairement le tableau retrouve en partie sa position historique qui avait t laiss e de c t dans l analyse L apr s Foucault Voil videmment une analyse qui d coiffe en laissant de c t toute consid ration historique ou de th orie de l art Cette analyse peu conventionnelle pour les historiens de l art avait t publi e dans un ouvrage adress des philosophes Il a donc fallu quelques ann es avant qu elle n ait t rep
48. ar plan Au premier plan le personnage le plus clair du tableau celui qui attire d embl e le regard est l infante la fille du roi dont Les M nines est d abord et avant tout le portrait comme l crivait d j Palomino Les membres de sa suite qui se situent dans le m me plan partagent certes cette lumi re par effet de proximit mais c est bien l infante le visage p le les cheveux blonds et v tue de blanc qui rayonne dans le tableau Par comparaison son portrait officiel vibre plus par la qualit tactile que par la lumi re Au second plan majestueux dans son attitude de concentra tion Vel zquez ne se trouve pas en pleine lumi re Celle ci rejaillit partiellement sur lui tandis que la du gne et le guarda damas personnages subalternes sont totalement dans l ombre Dans le fond se profilant dans l embrasure de la porte donnant sur une tour bien clair e la silhouette de Jos Nieto est presque comme en ombre chinoise Elle est la fois lumi re par son contour et ombre par contre jour On dirait que Vel zquez tait oblig de donner l aposentador de la reine une place dans le tableau qui soit comparable la sienne sans pour autant pouvoir s y substituer comme si la position de Jos Nieto la cour devait tre reconnue dans le tableau au m me rang que celle de Vel zquez Le jeu d ombre et de lumi re est comparable bien qu exprim de fa on diff rente et les t tes sont la
49. araissent trop grandes m me pour un portrait de pied des souverains Un doute surgit qui a fait crire d j dans le premier catalogue du mus e du Prado en 1819 que Vel zquez est en r alit en train de peindre le tableau m me des M nines Cependant la direction du regard du peintre la position du chevalet le reflet royal dans une attitude de pose debout sous une tenture emportent le ralliement de S nchez Cant n au sc nario imagin par Justi savoir l arriv e de l infante et de sa suite au cours d une s ance de pose de ses parents Il fait chaud une des m nines offre de l eau fra che l infante Le roi est charm de la sc ne et demande Vel zquez d aban donner le double portrait et de repr senter cette sc ne sur une nouvelle toile Mais ajoute finement S nchez Cant n Vel zquez tait il un artiste susceptible d tre impressionn ce point par une sc ne banale pour en tirer l une de ses uvres majeures 2 Depuis Justi et jusqu la parution du texte de Michel Foucault sur les M nines les contributions des historiens de l art ont surtout port sur les sources possibles d inspiration de Vel zquez et sur les interpr tations symboliques du tableau Les opinions sur le sujet du tableau que peint Vel zquez sont maintenant bien contrast es Certains comme Palomino et Justi mais aussi de Tolnay Emmens etc y voient Vel zquez peignant le couple royal refl t dans le mir
50. bolique compliqu ne s tale dans les portraits peints pour la cour espagnole L image du roi est l image de la majest royale et cela ne demandait pas plus de commentaire 1 Il n est donc gu re vraisemblable que Vel zquez ait pu peindre pour le roi une composition aussi radicalement diff rente de la pratique du portrait officiel sans avoir d abord expos et expliqu au roi les tenants et aboutissants de son concetto 2 Vel zquez conna t et applique les principes de la perspective lin aire Vel zquez tait un peintre rudit Il avait t form dans l atelier de Francisco Pacheco peintre s villan g n ralement consid r comme assez m diocre mais aussi th oricien de la peinture comme d j mentionn L inventaire des biens de Vel zquez r alis apr s sa mort nous informe qu il poss dait une biblioth que consid rable avec non seulement des trait s sur la peinture et la perspective mais aussi des ouvrages de g om trie d astronomie etc Mais Vel zquez n tait pas seul avoir t form l application de la perspective lin aire c tait aussi le cas de Philippe IV Et il n est pas douteux qu ils aient t tous deux bien conscients de l cart apparent entre la composition des M nines et l application orthodoxe de la perspective lin aire Pour que Vel zquez produise un tel tableau de la famille royale il a donc fallu qu il explique au roi en quoi le tableau restait acceptable pa
51. cation de la g om trie de la r flexion sur un miroir plan Mais comment expliquer alors que cette sorte d inversion apparente de la hi rarchie entre le roi et ses sujets ait pu tre accept e au sein d une cour au protocole si strict Cette inversion ne pouvait avoir chapp ni Philippe IV ni Vel zquez ni m me aux autres partici pants la sc ne Felix da Costa dans un commentaire de 1696 crivait d j que le tableau paraissait plus tre un portrait de Vel zquez que de l infante 1 Pour rendre le tableau acceptable m me pour un usage priv du roi il fallait donc que la hi rarchie soit r tablie par un autre 121 moyen un moyen que Vel zquez a d proposer au roi pour obtenir son accord Et ce moyen ce ne peut tre que la lumi re Certes Vel zquez repr sente par ce tableau la no blesse de la peinture mais la noblesse elle m me proc de de quelque chose qui lui est sup rieur c est dire de la royaut qui est de droit divin La symbolique divine de la lumi re se retrouve dans l Ancien et dans le Nouveau Testaments Par exemple le Psaume 104 Yahv mon Dieu tu es si grand V tu de faste et d clat drap de lumi re comme d un manteau et l vangile de saint Jean Prologue 9 Le Verbe tait la lumi re v ritable qui claire tout homme Comment alors restaurer mieux la perspective morale que par les gradations de lumi re Revoyons les personnages du tableau plan p
52. constitution suppos e mais qui peut rendre compte du processus qui a pr valu la composition du tableau On peut imaginer Philippe IV et Vel zquez discutant du futur tableau et le peintre voulant convaincre son ma tre d un tableau innovant Ce sera un portrait de l infante figur e dans son environnement quotidien avec ses demoiselles d hon neur leur du gne les nains le garde du corps et m me le chien familier Comme ce ne sera pas un portrait officiel le roi voudrait d une mani re ou d une autre manifester sa pr sence bienveillante sans pour autant devenir l objet principal de la repr sentation L id e du reflet dans le miroir du fond inspir e peut tre par le pr c dent des Arnolfini prend forme Le moment qui serait repr sent serait l irruption du roi et de la reine dans l atelier pendant une s ance de pose Comme il se doit les personnages royaux seraient surmont s d une ten ture que symboliquement Jos Nieto para trait ouvrir dans l encadrement de la porte L infante et sa compagnie sont surpris par cette apparition et tournent le regard vers les arrivants L une des m nines qui offre boire l infante n a cependant pas encore per u la pr sence du couple royal Le nain Pertusato tente de r veiller le chien endormi en le stimulant du pied Une telle sc ne peinte grandeur nature serait effectivement comme un tableau vivant que le roi pourrait contempler dans son bureau 5 Mais il
53. ct visuel c est dire que le point de vue du spectateur doit correspon dre celui du peintre au moment o il a peint son tableau Le peintre se trouve donc en dehors du plan du tableau 37 Il en d duit que ce tableau est paradoxal deux gards 1 Nous voyons le tableau non pas du point de vue de l artiste mais de celui d un autre spectateur qui se trouve aussi tre le sujet du tableau Ce paradoxe s approfondit lors qu on se demande ce que l artiste peut bien peindre sur la toile dont nous voyons le dos premi re vue il est vident qu il peint le couple royal de pied Mais il y a une objection qui lui semble convaincante la toile que l on voit de dos est trop grande pour un tel portrait Ses dimensions correspondent par contre au tableau des M nines c est donc bien ce tableau l qu il est en train de peindre 2 Le point de vue de l artiste est impossible puisqu il n est pas l o il aurait d se trouver pour peindre cette sc ne De plus le tableau est autor f rentiel Vel zquez peint un tableau repr sentant Vel zquez peignant un tableau repr sentant Vel zquez peignant un tableau etc Comme l ex prime Hubert Damisch en croire Searle loin d tre la repr sentation de la repr sentation classique Les M nines constituerait un v ritable d fi lanc la th orie de la repr sen tation 1 Quelques mois plus tard Joel Snyder et Ted Cohen r pon dent J Searle da
54. dans la sc ne et que le centre focal de la repr sentation est multiple la toile repr sent e gauche le point de fuite dans l embrasure du fond et le centre de la pi ce o se trouve l infante De plus la composition est instable car subordonn e un autre centre celui que regardent les personnages savoir le roi et la reine qui se trouvent notre gauche hors du tableau et font face au miroir qui refl te leur image Mais cette position implique aussi que le reflet dans le miroir doit provenir de la toile que peint Vel zquez Steinberg pense pr venir l objection qu il n tait pas d usage la cour d Espa gne de repr senter le couple royal r uni dans un m me tableau en prenant exemple du double portrait en buste de Charles Quint et Isabelle de Portugal par le Titien et que nous connaissons par une copie pr sum e de Rubens Alonso Cano avait galement r alis vers 1658 un double portrait de Ferdinand et Isabelle II s agit cependant l d exceptions l usage pr valant au XVIIe si cle de repr senter mari et femme de pied ou en buste sur deux toiles distinctes accroch es l une c t de l autre Il en r sulte une ambigu t l gante le miroir nous transmet le reflet du roi et de la reine la fois partir de leur repr sentation sur le tableau vu de dos et de la position o ils se trouvent en chair et en os Et pourtant le reflet est unique Nous d couvrons que
55. e Les M nines r ponse une triple nigme dans L estampille l objet d art n 404 juillet 2005 p 64 71 MENA MARQU S Manuela La restauraci n de Las Meninas de Vel zquez dans Bolet n del Museo del Prado vol 5 n 13 1984 p 87 107 MENA MARQU S Manuela El encaje de la manga de la enana Mari B rbola en Las Meninas de Vel zquez dans El Museo del Prado Fragmentos y detalles Madrid 1997 p 135 161 MOFFITT John F Anatom a de Las Meninas realidad ciencia arquitectura dans Bolet n del Museo del Prado vol 7 n 21 1986 p 173 183 ORTEGA Y GASSET Jos Vel zquez et Goya Paris Klincksieck 1990 traduction par Christian Pierre de Papeles sobre Vel zquez y Goya publi s pour la premi re dition en 1950 127 PACHECO Francisco L art dans la peinture pr sentation et traduction par Lauriane Fallay d Este Paris Klincksieck 1986 PALOMINO de CASTRO y VELASCO Acislo Antonio El Parnaso espa ol pintoresco laureado 1724 Madrid 1988 pour l dition consult e RAFAT PLANAS Claustre Las Meninas de Picasso Barcelone 2001 S NCHEZ CANT N Francisco Javier Las Meninas y sus personajes 2 d Barcelone 1952 premi re dition en 1943 SEARLE John Las Meninas and the Paradoxes of Pictorial Representation dans Critical Inquiry vol 6 n 3 1980 p 447 488 SNYDER Joel amp COHEN Ted Reflexions on Las Meninas Paradox lost dans Critical Inquiry vol 7 n 2 1980 p
56. e ses pieds en B se formera sur le miroir MM au point de MM o l angle d incidence j est gal langle de r flexion r L observa teur AB verra de lui m me une image virtuelle A B virtuelle parce qu elle n a pas de r alit mat rielle form e sur le plan du miroir et paraissant se trouver une distance en arri re de celui ci gale la distance entre l observateur et le miroir d d De plus l image virtuelle de l observateur a la m me hauteur que lui h h L galit des hauteurs et des distances par rapport au miroir est pr serv e lorsque l on observe dans le miroir tout autre objet situ dans le m me plan perpendiculaire au miroir fig 2 M Image virtuelle Objet M Fig 2 Il en est de m me lorsque l objet n est pas situ dans le m me plan perpendiculaire au miroir que l observateur fig 3 126 M M Image virtuelle N x Fig 3 Nous avons donc un proc d facile pour construire l image virtuelle X d un point X refl t par un miroir plan elle se trouve sur la perpendiculaire au miroir men e partir du point X et gale distance du plan du miroir d d et ceci quelle que soit la position de l observateur C est aussi l intersection entre cette perpendiculaire et le prolongement au del du miroir du rayon lumineux r fl chi par le miroir de X vers l observateur 2 Effet du pivotement du miroir autour d un axe vertical Qu adv
57. e apparent la hauteur de l avant bras de Jos Nieto n est pas le point de fuite vu par le peintre point de fuite situ en face de ses yeux Le centre imaginaire d cal de H Damisch n est alors que le r sultat de l utilisation d un miroir en l g re oblique par rapport aux murs de la pi ce Velasquez point de fuite l c e couple royal Sch ma de l utilisation du deuxi me miroir tir de M Th voz Basculement du miroir Mais il reste encore un double probl me lucider probl me qui na gu re t voqu jusqu pr sent dans la litt rature consacr e aux M nines et que Th voz n aborde pas non plus On a maintenant compris pourquoi le point de fuite apparent est d cal vers la droite Pourquoi alors n est il pas la hauteur des yeux de Vel zquez o devrait tre situ l horizon du tableau Et corollairement comment est il possible que le personnage de Vel zquez comme ceux de la du gne et du garde du corps soient repr sent s avec une taille plus grande que celle du roi et de la reine et en avant de ceux ci Vel zquez pouvait il prendre autant de libert avec la perspec tive morale et de plus avec l accord du roi Le seul auteur qui ait pressenti ces questions est Kenneth Clark lorsqu il crit Mais nous devons supposer que Vel zquez tait inconscient de ce qu il faisait lorsqu il a renvers aussi drastiquement l chelle habituelle des valeurs 1
58. e sa propre pr sence aupr s des poux Vel zquez retourne la proposition et le miroir n est plus le t moignage de la pr sence du peintre mais bien du commanditaire du tableau qui lui se trouve hors champ D autres uvres et d autres artistes sont ensuite convoqu s par l un ou l autre commentateur Pour le motif de la porte du fond ouverte sur un espace clair et pour l impression de profondeur de la pi ce Carl Justi rapproche l uvre de Vel zquez de celle de son contemporain hollandais Pieter de Hooch Mais Vel zquez pouvait il conna tre de Hooch La succession de fen tres s ouvrant sur le mur de c t am ne J A Emmens penser que Vel zquez se serait inspir de gravures d Abraham Bosse particuli rement de la repr sentation de l atelier du sculpteur dat e de 1642 et qui repr sente un atelier clair par trois fen tres align es sur un m me mur vu de c t peine plus convaincante serait l enluminure peinte par Hans Mielich vers 1565 repr sentant Roland de Lassus et ses musiciens en concert la cour d Albert V de Bavi re Teniers le Jeune dont L archiduc L opold Guillaume dans sa galerie de peintures Bruxelles de 1647 avait t offert Philippe IV avant 1653 donc avant la r alisation des M nines Les analogies sont multiples cadres accroch s au mur porte ouverte dans le fond de la pi ce pr sence du souverain ici l archiduc gouverneur des
59. effet l attribut de Prudentia l all gorie de la prudence qui est aussi la principale qualit d un roi Philippe Il n avait il pas t surnomm El Pru dente La Prudence poursuit Emmens a une nature triple Elle est la M moire Memoria qui rappelle le pass l intelligence Intelligentia qui comprend le pr sent et la Pr voyance Providentia qui pr voit les possibilit s de lavenir Il n est pas impossible mais ceci n est qu une suggestion que cette trinit soit symbolis e par la mise en sc ne des personnages des M nines Dans ce cas V lasquez peignant les portraits du Roi et de la Reine repr senterait la Memoria tandis que la Princesse plac e entre deux M nines symboliserait le Pr sent qu il s agit de comprendre Quant aux personnages dispos s en rang es successives du c t droit du tableau ils pourraient repr senter les possibilit s de lavenir dans les quelles il faut op rer un choix soit la Folie repr sent e par les bouffons soit la Sagesse repr sent e par la dame d honneur et le courtisan 7 Emmens analyse sur le m me mode d autres d tails iconographiques du tableau la princesse et les m nines figurant les trois Gr ces le chien Jos Nieto etc Mais il est apparemment peu convaincu lui m me de ces interpr tations symboliques qui n ont d ailleurs gu re eu de suite dans la litt rature consacr e aux M nines Le th me du miroir des princ
60. ega y Gasset au palais ne r gne pas seulement le roi mais aussi l ennui Lope de Vega avait crit au palais jusqu aux figures des tapisseries b illent d en nui 13 F Calvo Serraller a d crit le roi comme vieilli pr matur ment triste et m lancolique rong par les d sas tres politiques Il se base pour cela sur les crits d un chroniqueur de la vie la cour espagnole l poque de Philippe IV Jer nimo de Barrionuevo qui insiste sur l esprit angoiss du roi Philippe IV avait pous sa ni ce do a Mariana d Autriche n e en 1634 et donc pr s de 30 ans plus jeune que le roi Bien que le mariage ait eu lieu quand do a Mariana tait encore adolescente elle tait de physique quelque peu ingrat de sant fragile d intelligence assez simple et apparemment sans trop de ressources en elle m me pour affronter l tiquette stricte et pesante de la cour espagnole La nostalgie du roi pour sa premi re femme Isabel de Borb n jolie et vivace s aggravait 13 C est aussi le moment o le roi qui veut unir les cours d Espagne et de France par un mariage qui devrait couronner une paix encore venir doit d cider laquelle de ses deux filles pousera Louis XIV Choix d chirant Le choix est il d j fait en 1656 comme le pense M Mena Marqu s On sait que le mariage de Maria Teresa sera convenu dans les provisions du Trait des Pyr n es de 1659 C est dans ce contexte qu appara t l
61. en d un philosophe Elle explique ensuite que le caract re insoluble du tableau provient du chevauchement de deux modes classiques et contradictoires de repr sentation d un c t le mode albertien o l artiste reproduit le monde qu il voit devant lui comme le verra le spectateur et de l autre le mode prospectif o l image du monde se projette sur la toile comme au travers du dispositif optique d une camera oscura et pr existe ind pendamment de la repr sentation par l artiste Image r elle et image virtuelle L un suppose la priorit du spectateur sur l image et l autre suppose que le monde le tableau est ant rieur la pr sence du spectateur et donc paradoxalement de son auteur D autres pistes sont explor es Snyder et Cohen se posent la question de savoir si Vel zquez n aurait pas sciemment induit le spectateur en erreur en repr sentant la sc ne des M nines dans une pi ce qui ne serait pas de plan rectangulaire 5 Ils admettent que cette hypoth se ferait jouer Vel zquez le r le d un esprit moqueur pervers ou d un idiot et que m me si elle devait tre retenue elle ne suffirait pas expliquer la construction du tableau L hypoth se est abandonn e George Kubler croit avoir trouv la solution en proclamant que l image du couple royal n est pas un reflet dans un miroir mais une image peinte sur une petite toile respectant l inver sion lat rale produite par un
62. es est cependant repris en 1985 par J Snyder 88 Le miroir dans Les M nines est le miroir de la majest c est une image exemplaire de Philippe IV et de Marie Anne une image dont la contrepartie ne peut pas tre vue dans les personnes du roi et de la reine C est une image de caract re de disposition d esprit de pens e une image dont la source est dans l imagination et dont la cause r side dans l art 8 Ne pouvant r concilier la source du reflet et la perspective g om trique du tableau voir plus haut Snyder nous dit qu il faut donc voir dans Les M nines une repr sentation lib r e des contraintes naturalistes dont le message profond appara t en se d tachant d une lecture litt rale de l uvre et en recherchant l id e Et cette id e c est que En un sens Les M nines sont l quivalent peint d un manuel pour l duca tion de la princesse un miroir de la princesse Les M nines et le double corps du roi Victor Stoichita interpr te Les M nines sur base de consid ra tions th oriques sur l art du portrait royal en Espagne au XVIIe si cle Se r f rant entre autres aux crits de Carducho 1633 et de Paleotti qui eux m mes suivent saint Augustin et saint Tho mas d Aquin il revient sur la distinction entre aequalitas repr sentation palpable et l chelle du sujet imago image virtuelle comme le reflet d un miroir similitudo repr senta tion
63. est comport en v ritable apprenti sorcier de la peinture il a construit sa repr sentation sur un objet le roi et la reine qui tout en tant l origine de la repr sentation n y est pas donn visiblement sinon sous la forme du reflet d une pr sence aussi insaisissable qu origi nelle Tu comprends mieux maintenant comment Luca Gior dano a pu qualifier Le Tableau de la Famille de th ologie de la peinture Il aurait aussi pu dire qu il en manifestait la m taphy sique Le Tableau de la Famille devenu Les M nines d mon tre que le peintre n a pas besoin d tre intellectuel pour penser Tout se passe comme si l c tait le tableau qui produisait visuellement du sens ind pendamment et au del des id es que le peintre et son commanditaire pouvaient s en faire et longtemps apr s leur disparition C est sans doute a aussi un chef d uvre 1 Le texte d Arasse est riche I passe en revue de nombreuses hypoth ses et t moigne d une longue m ditation sur le ta bleau de Vel zquez Mais en faire un philosophe des Lumi res avant la lettre m me si c est par son geste d artiste plut t que par la pens e crite lui qui tait au service d un roi tr s catholique au pays de l Inquisition c est aussi verser dans l anachronisme quoique Arasse s en d fende Et bien que Vel zquez n ait pas laiss de trait sur la peinture en faire l oppos d un intellectuel n est san
64. et 1665 Londres Kensington House le Guerchin sans date Louvre etc 141 PALOMINO A op cit p 251 142 JUSTI C op cit p 718 143 CHASTEL A La figure dans l encadrement de la porte chez V lazquez 1978 t Il p 147 144 ARASSE D op cit p 181 145 Voir par exemple DUBY G Le temps des cath drales Paris Gallimard 1976 14 HARRIS E Las Meninas at Kingston Lacy 1990 147 Idem p 130 148 Idem p 129 149 Idem p 125 150 Cit par E Harris Idem p 130 151 Ceci suppose que Juan del Mazo connaissait le dispositif du miroir utilis par Vel zquez chose d ailleurs tr s vraisemblable et explique pourquoi la copie ne devait pas tre aux m mes dimensions que l original 152 Ibidem 153 JUSTI C op cit p 714 154 SEARLE J op cit p 485 155 Voir par exemple CALABRESE Omar L art de l autoportrait Histoire d un grand genre pictural Paris Citadelles amp Mazenod 2006 p 161 155 Si l on suppose que Vel zquez a repeint toute la toile en 1659 il faut alors aussi se demander pourquoi il repr sente l infante l ge de cinq ans alors qu elle en avait d j huit Vel zquez a d ailleurs fait cette ann e un autre portrait officiel de l infante 157 Le d placement lat ral apparent d un point situ une distance d du miroir qui a pivot d un angle se calcule par la formule 2d sin 158 Un simple calcul trigonom trique permet de
65. faut plus de recul que ce que permettrait la pi ce pour une pose de face et Vel zquez en arrive donc l id e d utiliser un grand miroir qui serait compos de petits pan neaux Utiliser un miroir c est aussi permettre au peintre d tre inclus dans la sc ne Vel zquez a depuis longtemps uvr non seulement la reconnaissance de la noblesse de la peinture th me auquel le roi est d j sensible mais aussi sa propre l vation dans la soci t Le roi n a t il d ailleurs pas d j accord Vel zquez une position gale celle de ses plus proches courtisans Vel zquez poss de la cl de toutes les salles du palais honneur fait seulement quelques grands du royaume Vel zquez qui a sans doute d j exprim son souhait d tre admis dans un ordre de chevalerie presti gieux con oit alors l id e d ajouter une dimension symbolique au tableau celle de la grandeur de son art II soumet son id e au roi qui n y voit pas d objection La pr sence dans l ombre du mur des toiles de Pallas et Arachn et Apollon et Marsyas sera pour le roi et pour Vel zquez un rappel cod de ce que quelle que soit la noblesse de son art aucun humain ne peut pr tendre galer le divin Seul le roi tire sa l gitimit de Dieu On fabrique ce miroir puis on regarde ce que cela donne Une l g re inclinaison ou un imperceptible pivotement compte tenu des dimensions de la pi ce donnent des effets inatten dus m
66. gston Lacy droite 124 On a peine croire Palomino au vu de ce tableau L id e s impose alors que c est dessein que del Mazo a apport ces changements pour tenter de recomposer Les M nines sans ses paradoxes perspectifs La suppression du reflet du roi et de la reine apporte d j une simplification on ne doit plus supposer que Vel zquez est en train de r aliser leur portrait D autre part la r duction de la taille des personnages corrige l effet d agrandissement relatif caus par l inclinaison du miroir utilis par Vel zquez Mais il reste au moins deux obstacles que del Mazo n a pu surmonter la position du point de fuite et le personnage de Jos Nieto En effet le point de fuite reste sur l avant bras de Nieto ce qui est incompatible avec la position des yeux de Vel zquez sauf supposer que le spectateur doit se tenir moiti accroupi devant la toile et que Vel zquez en avait fait de m me en la peignant De plus pour gommer l effet de l inclinaison du miroir Jos Nieto devrait tre repr sent plus grand la t te au niveau de celle de Vel zquez et les pieds sur le sol de la pi ce Juan del Mazo ne pouvait videmment pas apporter un changement aussi radical dans une copie Juch sur les marches de l escalier Nieto a maintenant lui aussi l apparence d un nain E Harris parle propos de cette copie d images brouill es floues de fini in gal C Justi la d crivait
67. ient il lorsque l on fait tourner l g rement le miroir sur lui m me autour d un axe vertical C est ce qui se passe par exemple lorsque le miroir au lieu d tre parall le au mur d une pi ce s avance quelque peu en oblique du c t du mur adjacent X Objet virtuelles i I Images y Fig 4 Ainsi sur la figure 4 le miroir a pivot de sa position MM vers une position M M oblique par rapport la premi re L image virtuelle de X form e en X par le miroir MM se d place en X apr s pivotement du miroir Elle se trouve ainsi d cal e vers la droite 7 3 Effet du basculement du miroir autour d un axe horizontal Un tel basculement se produit lorsque par exemple le miroir au lieu de pendre verticalement un mur est pos contre celui ci La base du miroir est alors l g rement avanc e par rapport au mur M Fig 5 Consid rons la figure 5 L observateur et les points X et Y sont situ s gale hauteur par rapport au sol Si le miroir tait bien vertical les images virtuelles X et Y se formeraient la m me hauteur comme on l a vu la figure 1 Le basculement du miroir a pour effet d abaisser l image virtuelle par rapport au sol En outre plus la distance de l objet par rapport au miroir est grande plus cette diminution de la hauteur de son image virtuelle est importante Ainsi l image X du point X situ plus grande distance du miroir para t
68. inale Lorsque l on a d crit ce caract re m tapictural du tableau et que l on a d sign la res interpretanda le sujet semble pour l essentiel puis Peut il y avoir une compr hension au del de cela Et Stoichita de ne plus se pr occuper de l interpr tation postmoderne du tableau Sept ans plus tard il revient sur Les M nines dans un chapitre de son ouvrage l instauration du tableau o le tableau est analys dans la perspective des sc narios de production c est dire des tableaux repr sentant la fois le peintre et son uvre soit durant leur r alisation soit apr s celle ci Pour Stoichita la difficult des questions soulev es par Las Meninas d note le caract re cod et en fin de compte insoluble de la repr sentation Dans son ouvrage Les origines de la perspective publi en 1987 Hubert Damisch reprend largement son compte l analyse de Foucault et la d fend contre les critiques venant des auteurs am ricains Foucault est parfaitement fond voir dans le miroir le centre du tableau mais son centre comme je l ai dit imaginaire Si repr sentation il y a en peinture le dispositif des M nines r v le qu elle se constitue d un cart calcul entre l organisation g om trique du tableau et sa structure imaginaire C est l ce que n ont pas vu les critiques de Foucault d s lors qu ils ont choisi de s en tenir une d finition stricte
69. inier de Arvizu cite une autre interpr tation donn e par Thomas Glen Should sleeping dogs lie dans Sources vol 123 n 3 1963 en fait le roi et la reine ne viennent pas d arriver mais s appr tent quitter la pi ce ce qui provoque un mouvement de surprise chez la plupart des personnages Jos Nieto est alors en train d ouvrir la tenture pour permettre le passage du couple royal par la porte du fond Cette hypoth se n a pas eu d autre cho ma connaissance L TINIER DE ARVIZU R op cit p 67 2 Il est vrai que le tableau ma retrouv son clat d origine qu avec sa restauration en 1984 Voir MENA MARQUES M op cit 1984 55 ORTEGA Y GASSET J op cit p 239 122 123 124 126 127 gt 130 134 CALVO SERRALLER F op cit p 10 135 dem p 12 138 ARASSE D op cit p 187 137 CALVO SERRALLER F op cit p 9 138 V Stoichita qui fait r f rence A del Campo y Franc s imagine que dans le bureau d t le tableau tait pos sur le sol en face du roi simulant une grande ouverture dans le mur STOICHITA V op cit 1986 p 168 139 propos de la cl voir BROWN J op cit 1990 p 121 123 14 Les exemples de redressement dans les autoportraits des XVI et XVIIe si cles sont nombreux Entre autres Alessandro Allori en 1555 Offices Artemisia Gentileschi vers 1638 Londres Hampton Court Rembrandt en 1660 Louvre
70. ions de la toile l apparentent aux grandes r alisations de Vel zquez comme La Reddition de Breda et le portrait questre du Philippe IV accroch es dans les parties plus officielles du palais Le geste de l infante refusant l eau pr sent e par une m nine serait ainsi un geste noble d montrant la volont de fer de la future reine Mais en 1657 na t un petit fr re l infant Felipe Pr spero le nouvel h ritier Le tableau de Vel zquez perd son sens premier et doit tre d croch des salons officiels du palais En 1659 Vel zquez est fait chevalier de l Ordre de Santiago Il obtient de retravailler le tableau efface le d corum officiel de la table napp e de rouge et des tentures y substitue son propre autoportrait et l infante d charg e de son statut d h ri ti re peut enfin accepter le verre d eau qui lui est offert Le tableau int gre alors les appartements priv s du roi comme portrait de famille On avait d j depuis Foucault perdu l unit topologique de la composition On perd maintenant aussi son unit temporelle Comme on peut le voir la figure 4 l interpr tation de cette image en RX est tr s d licate et il est facile de se convaincre que l on y a trouv ce que l on veut y chercher G Kubler quant lui pensait avoir vu dans une radiographie plus ancienne cinq personnages suppl mentaires trois femmes et deux hommes 1 J avoue pour ma part n y avoir pas distin gu
71. irait de l Infant Baltasar Carlos fils de Philippe IV et de sa premi re femme Elisabeth de Bourbon n en 1629 et mort en 1646 On a aussi sugg r qu il s agissait des appartements o Philippe Il avait gard prisonnier son fils d ment Don Carlos SANCHEZ CANT N F J op cit p 25 C est donc tort qu Hubert Damisch attribue Elizabeth du Gu Trapier le m rite d avoir voqu cette explication pour la premi re fois dans son ouvrage sur Vel zquez paru New York en 1948 DAMISCH H L origine de la perspective 1987 p 445 note en bas de page SANCHEZ CANT N F J op cit p 26 FOUCAULT M Les suivantes chapitre d introduction son ouvrage Les mots et les choses 1966 L pist m est pour Foucault en quelque sorte un syst me de repr sentations mentales et sociales de valeurs qui sous tend les activit s conomiques politiques culturelles d une poque Il oppose l pist m de la Renaissance la similitude celle de l poque classique qui pour lui va de la fin de la Renaissance jusqu au d but du XIX si cle la repr sentation et celle de l poque moderne l homme Ce n est pas le lieu ici de d velopper la pens e de Foucault On pourra se reporter l ouvrage de Philippe Sabot Lire Les mots et les choses de Michel Foucault Paris PUF 2006 FOUCAULT M op cit p 20 Idem p 21 Idem p 22 Idem p 23 Idem p 24 Idem p 29 Idem p 27 Idem p 28
72. iroirs de plus petites dimen sions r unis par des croisillons Que l on pense simplement la Galerie des Glaces de Versailles comme le dit Th voz Ces grandes glaces sont en fait constitu es chacune d un ensem ble de 21 miroirs de plus petites dimensions 21 E Lafuente Ferrari se r f rant Pedro Penzol note en 1960 que Les miroirs jouent un r le important dans plusieurs peintures de Vel zquez Il les aimait dans l inventaire de sa maison dress apr s sa mort on enregistra jusqu dix miroirs 122 Revenons ici la proposition d explication de Rosine L tinier de Arvizu d j abord e la note 114 Se r f rant A del Campo elle explique que Selon les lois de la perspective pour se refl ter dans le miroir comme le spectateur les y voit le Roi et la Reine devraient se trouver derri re Vel zquez Mais dans ces conditions nous devrions les voir de dos entre Vel zquez et le miroir et ils n y sont pas Is n y sont effectivement pas Donc pour r soudre cette nouvelle quadrature du cercle Rosine L tinier suppose que le mur du fond et donc aussi le miroir qui y est accroch ne sont pas perpendiculaires aux murs lat raux Leur obliquit serait suffisante pour faire appara tre le reflet de personnages situ s pr s du mur de gauche comme s ils taient presque en face du miroir Il tait tout fait courant autrefois que les murs ne soient pas d querre 133 Nous
73. le a pu s exclamer C est la nature prise en flagrant d lit de r alisme En ce qui concerne la technique picturale de Vel zquez citons Enrique Lafuente Ferrari Son propos illustrant la facture du portrait de l infante Maria Teresa par Vel zquez s applique parfaitement aux M nines C est cette distinction sans ostentation qui fait para tre les peintures de Vel zquez d une excellence si vidente d une simplicit qui ne pose pas de probl me Son style r side pr cis ment dans cette sobri t qu on peut appeler classique Mais si nous nous approchons du tableau pour observer les d tails tout vibre s estompe et p tille dans les taches isol es de chaque coup de pinceau L analyse que le peintre fait de son mod le se d compose en parcelles color es charg es d intentions et d une puissance synth tique qui tient compte d j de la fusion des touches lorsqu elles sont vues distance La l g ret nerveuse du travail se per oit dans les joyaux les plumes les cheveux qui vus de tout pr s ob issent un informe tachisme Avec une telle description on comprend que les impressionnistes et Manet avant eux aient t tant s duits par la peinture de Vel zquez Mais ce qui a le plus retenu l attention des rudits et suscit tant d crits plus que les questions de forme concerne le sens du tableau Que repr sente t il Quelle est la sc ne qui se joue devant nos yeux Norbert Wolf
74. le miroir sommaire de Vel zquez fusionne deux choses distinctes ce que le roi et la reine voient de leur position et ce que nous voyons de la n tre la r alit de l tre et sa repr sentation picturale que le miroir r v le comme identiques comme pour admettre que le chef d uvre sur la toile refl te la v rit au del de la capacit de n importe quel miroir En ce sens Les M nines peut tre interpr t comme la c l bration de la fid lit de l art du peintre 48 D s lors Les M nines ont d finitivement acquis un caract re d ambigu t irr ductible de repr sentation impossible dans le respect des principes de la perspective lin aire et de la mimesis et que pourtant il va falloir expliquer Cette ambigu t avait d j t per ue par certains bien avant l analyse postmoderne du tableau mais sans que cela ne d bouche sur une description d taill e ou une tentative de r solution Ainsi Enrique Lafuente Ferrari crit en 1960 Un autre crivain espagnol galement peintre Buero Vallejo m a convaincu dans une conversation que la perspective des M nines ne pouvait se r soudre g om triquement Pure visualit pure apparence cette r alit d fie les commentaires L ultime secret d une grande uvre d art demeure inexplicable 4 Dans un article paru en 1983 Svetlana Alpers se demande pourquoi l analyse la plus importante des M nines n est pas le fait d historiens d art mais bi
75. m me hauteur Victor Stoichita notait que lors d apparitions publiques du roi un courtisan le sumiller de cortina tait charg d ouvrir le rideau 1 C est bien dans cette fonction qu est repr sent Jos Nieto comme ouvrant un rideau sur l image du couple royal dans le miroir 3 Et enfin il y a l image du roi et de la reine dans le miroir image qui brille d un clat particulier soulign e par le liser qui l entoure Le reflet brille aussi mais par une lumi re qui ne vient pas de la fen tre par une lumi re qui semble maner du roi lui m me Vel zquez ne d signe pas de source de lumi re pour le couple royal le roi claire de sa propre lumi re Le contraste avec la p nombre du mur du fond est tellement fort que d embl e le miroir a accapar l attention des commenta teurs On se demande bien comment Kubler a pu y voir un tableau repr sentant un miroir l gal des autres tableaux accroch s ce mur 1 En tageant ainsi les plans de lumi re et d ombre Vel zquez le peintre de l air donne la toile cette profondeur de l espace et cette mat rialit de lair qui ont depuis longtemps contribu ce que ce tableau soit consid r comme un des ses principaux chefs d uvre sinon le plus grand 122 Reconstitution de la gen se des M nines Nous pouvons maintenant tenter de retracer la gen se du tableau Nous sommes donc en 1656 Philippe IV est morose Selon la formule de J Ort
76. me chaque g n ration se doit de relever le d fi d une interpr tation li ce processus de r g n ration perma nente 107 Cette opinion tait vraie il y a trente ans elle l est encore aujourd hui Principes de base Avant de proposer ici une nouvelle explication du tableau dont le point de d part sera l analyse de Michel Th voz il nous faut poser quelques principes de base auxquels il est indispensable que cette explication satisfasse faute de quoi elle resterait encore insuffisante 1 Vel zquez soumet au roi ses id es sur la repr sentation de la famille royale avant de les r aliser sur la toile Philippe IV est amateur et connaisseur de peinture et d art en g n ral Dans sa jeunesse il a appris la pratique de la peinture sous la direction du peintre Fray Juan Bautista Maino M c ne il a augment consid rablement les collections de peinture du palais on cite le chiffre de plus de 800 tableaux acquis sous son r gne Il faut galement apporter son cr dit qu il a tr s t t reconnu le talent de Vel zquez et la appel son service quand il n tait encore g que de 24 ans Vel zquez est peintre du roi depuis 1623 Il a gravi tous les chelons du service du palais jusqu la nomination d aposentador fonction noble qui en fait un proche voire un ami du roi Il est vraisemblable que comme le rapporte Palomino Philippe IV soit souvent all dans l atelier de Vel zquez pour voir le
77. ment optique et conventionnelle du para digme perspectif 51 Accessoirement Damisch convoque Picasso et ses cin quante huit tudes sur les M nines r alis es en 1957 trois si cles apr s Vel zquez Il n est pas tonnant que Pi casso qui a souvent exploit le th me du peintre et de son 111 mod le se soit senti inspir par le tableau de Vel zquez Faire appel Picasso pour comprendre les rapports qui s tablissent entre le miroir la toile cach e et la porte du fond dans le tableau de Vel zquez est certes int ressant pour voir comment un artiste du XX si cle peut revisiter la question mais ne semble que de peu d utilit pour la compr hension de la d marche propre Vel zquez Damisch accorde aussi une certaine importance la pr sence de Jos Nieto repr sent dans l embrasure de la porte l o se trouve le point de fuite du tableau Son nom complet est Don Jos Nieto y Vel zquez Il y a donc deux Vel zquez dans le tableau qui se r pondent de mani re sym trique l un porte le nom par son p re 5 et l autre par sa m re l un est aposentador du roi en charge des collections de peinture et l autre est apvosentador de la reine en charge des collections de tapisserie l un voit la sc ne de face en la peignant et l autre en a une vue d ensemble par l arri re l un tient un rideau et l autre un pinceau tous les deux dans un geste suspendu l un indique le reflet ro
78. n de l action repr sent e soit d une aide significative pour la com pr hension du tableau Mon interpr tation des M nines ne d pend pas d un sc nario particulier elle d pend seulement de l hypoth se que quelles que soient les actions que le tableau est suppos repr senter elles sont famili res au couple royal 58 On ne peut mieux exprimer la perplexit des commentateurs du tableau qui en arrivent devoir crire que Vel zquez respecte les lois de la perspective mais sans vraiment les respecter tout en se disant qu apr s tout cela na pas plus d importance que le sens de la sc ne que Vel zquez voulait repr senter Nous sommes ici pr ts entrer de plein pied dans le domaine de l anachronisme voire du contresens Au milieu des ann es 1980 le centre de gravit de l interpr ta tion des M nines revient en Europe avec des essais notam ment du Suisse Victor Stoichita et des Fran ais Hubert Damisch et Daniel Arasse En 1986 Victor Stoichita publie un essai qui analyse Les M nines la lumi re des th ories du portrait au XVIIS si cle Il commence ainsi On a pr tendu que le th me central du tableau serait la repr sentation picturale en tant que telle Comme repr sentation d une repr sentation il remet en question le sens de l interpr tation Tout comme le rapide Achille ne rattrape jamais la tortue l interpr tation du tableau reste une entreprise perp tuelle et sans conclusion f
79. nes serait donc le tableau de la r alisation d un tableau Il ne se doutait pas combien cette formule tait annonciatrice des interpr tations venir Il ajoute cependant que l on ne conna t pas de tableau o Philippe IV serait repr sent aux c t s de la reine Francisco Javier S nchez Cant n Le petit mais int ressant ouvrage de F J S nchez Cant n Las Meninas y sus personajes para t en 1943 S nchez Cant n est alors sous directeur du mus e du Prado Il a acc s aux archives du mus e et aux archives royales notamment aux divers inventaires des collections royales Il retrace l histoire du tableau et apporte de nombreuses pr cisions aux commen taires de Palomino Le tableau est cit pour la premi re fois dans l inventaire du palais de l Alc zar de 1666 d crit comme portrait de sa Majest l Imp ratrice avec ses dames et une naine 17 Il tait alors plac dans la pi ce d sign e comme bureau d t du roi aux c t s d uvres de Ribera et du Parmesan cette derni re alors attribu e au Corr ge Il fut sauv de l incendie qui ravagea le palais de l Alc zar la nuit de No l de 1734 8 Bien que le palais ait donc t d finitivement d truit S nchez Cant n confirme que la pi ce d peinte par Vel zquez faisait partie des appartements du prince qui la mort de celui ci furent transform s en atelier pour les peintres de la cour La sobri t de l ameubleme
80. ns la m me revue au niveau de la g om trie il n y a rien de paradoxal dans Les M nines et au contraire le tableau est ce point de vue tout fait ortho doxe Tant Foucault que Searle dans son sillage se sont tromp s le point de vue du spectateur n est pas en face du miroir mais en face du point de fuite o se rencontrent les parall les normales au plan du tableau Et ce point de fuite comme on peut ais ment le v rifier se trouve droite du miroir sur l avant bras de Jos Nieto le personnage qui se profile dans l encadrement de la porte du fond Par cons quent comme le miroir est situ gauche du spectateur il doit refl ter non pas ce qui se trouve exactement en face de lui mais une portion de la toile laquelle travaille Vel zquez L ann e suivante Leo Steinberg publie son tour un bref essai sur Les M nines Dans son introduction il explique que ce texte est bas sur une conf rence qu il aurait d donner en 1965 mais qui avait t annul e suite une panne g n rale d lectricit Entre temps est paru le texte de Foucault qui avec d autres essais qui ont suivi pose Les M nines en nigme ontologique ou pist mologique Son texte serait donc un m lange de consid rations nonc es avant la parution de Les mots et les choses et d id es nettement influenc es par le philosophe fran ais 110 De Foucault il garde l id e que le spectateur est impliqu
81. nt sans luminaire au pla fond correspond l aust rit du palais Par contre ces appartements du prince taient d cor s d une quarantaine de tableaux de la main de Juan del Mazo gendre de Vel zquez dont trente cinq copies d uvres de Rubens et de son cole Nous en voyons deux dans Les M nines accro ch es au mur du fond Bien que de lecture difficile en raison de la p nombre qui r gne dans le fond de la pi ce ceux ci ont t identifi s De la discussion qui s ensuit sur l identification des personna ges par Palomino retenons que S nchez Cant n rel ve que de toute la famille royale seule manque dans le tableau linfante Maria Teresa fille du premier mariage de Philippe IV avec Elisabeth de Bourbon Isabel de Borb n Maria Teresa avait alors 18 ans et tait sans doute d j destin e au mariage avec Louis XIV S nchez Cant n y voit la marque d une attitude personnelle de l infante oppos e la marche peu glorieuse des affaires du royaume telles que conduites par son p re 2 S nchez Cant n en arrive la question de savoir quel est le tableau que Vel zquez se repr sente en train de peindre D apr s Palomino comme nous l avons vu il peint le couple royal qui pose devant lui et se refl te dans le miroir du fond Mais ainsi que l avait d j relev Justi on ne conna t pas de tel double portrait dans les collections du palais et les 108 dimensions de la toile que peint Vel zquez p
82. ographiques etc Il en est de m me pour la lecture du tableau par Foucault et les autres philosophes sa suite qui y cherchent une illustra tion de l essence de la repr sentation Foucault n avait il pas repris son compte le concept de Roland Barthes de la mort de l auteur Mais la diff rence de ses mules Foucault s est content il est vrai de donner sa propre lecture du tableau sans essayer de nous convaincre qu elle est la traduction des intentions originales du peintre Focault parlait en fait plus de Foucault que de Vel zquez Au del de toutes ces consid rations rudites il nous reste une oeuvre magistrale Les dimensions du tableau la touche vibrante du coloriste le traitement des ombres et de la lumi re ce regard direct que semblent nous adresser les personnages au travers du temps chacun sa mani re tout cela contribue maintenir vivante la magie des M nines 125 APPENDICE G om trie de la r flexion par un miroir plan 1 Principe de base L image d un objet se forme l endroit du miroir o l angle d incidence c est dire l angle form par le rayon lumineux partant de l objet avec la perpendiculaire au miroir est gal l angle de r flexion langle form par le reflet de l objet pour l observateur avec cette m me perpendiculaire au miroir Objet M Image virtuelle d Fig 1 Pour l observateur dont les yeux sont situ s en A l image d
83. oir interrompu par l arriv e de l infante et de sa suite D autres il est vrai moins nombreux Lafuente Ferrari du Gu Trapier etc croient l inverse que Vel zquez est en train de peindre l infante et ses m nines et que c est le couple royal qui survient durant cette s ance de pose Aucun argument d cisif n a permis de faire l unanimit Michel Foucault et l analyse postmoderne des M nines Arrive donc Michel Foucault en 1966 dont l analyse aura une influence profonde sur les commentateurs des M nines II vaut donc la peine de d tailler son argumentation Foucault approche le tableau en philosophe et non pas en historien de l art Dans sa qu te d une arch ologie du savoir il cherche illustrer la notion d pist m classique de la repr senta tion Sa lecture des M nines est au d part ind pendante de tout contexte historique Il s attache plut t une analyse formelle des relations g om triques leur emplacement sur la toile et visuelles le jeu des regards entre les personnages le reflet dans le miroir et aussi le spectateur qui de la sorte entre aussi dans la composition Dans un texte dense mais non d nu d une certaine po sie il entra ne le lecteur dans un jeu vertigineux de pr sences et d absences d oppositions de semblables et de contraires de visible et d invisible Comme si le peintre ne pouvait la fois tre vu sur le tableau o il est rep
84. ont le mouvement est captur comme dans un instantan Comme l crit Charles de Tolnay Vel zquez choisit de se repr senter non pas au moment de l ex cution mat rielle du tableau mais au moment de l inspira tion se concentrant sur ses motions et ses pens es inti mes La pittura cosa mentale art lib ral plut t quart m canique qui ne peut se d velopper que parce qu un disegno interno pr c de le disegno esterno parce que la conception doit pr c der la r alisation et que par l le peintre en d miurge peut recr er le monde qui est en lui En gommant de son portrait les rides qu il pouvait avoir l ge de 57 ans Vel zquez s octroie aussi une sorte d intem poralit C est tant Diego Vel zquez que l arch type du peintre qu il nous pr sente Il ny a gu re de dissension entre les historiens d art sur cette lecture des M nines Mais cela ne rend pas encore compte de la totalit de la signification du tableau Dans Les M nines les tableaux accroch s au mur du fond sont trop sombres pour tre identifiables la simple vue Palomino rapporte d j qu il s agit de sujets tir s des M ta morphoses d Ovide par Rubens En fait les inventaires de l Alc zar de 1666 et de 1686 ont permis de les identifier comme tant des copies par Juan del Mazo de Pallas et Arachn de Rubens et Apollon et Marsyas de Jordaens Ces copies sont encore conserv es au Prado de m me que l original de Jordaens tandis
85. ortance secondaire mais l interpr tation que l on peut en tirer doit changer Dans les deux cas le sujet est tir d Ovide Mais la diff rence de Marsyas Pan est aussi un dieu C est le mortel Midas qui fait les frais de l affaire en recevant d Apollon des oreilles d ne pour avoir pris le parti de Pan Fac tie plut t que ch timent 5 D autres lectures de ces tableaux ont parfois t donn es M Mena Marqu s par exemple y voit l all gorie du ch timent que subissent ceux qui d fient l autorit des dieux et par extension des monarques Ces tableaux devraient donc tre consid r s ici comme une all gorie du pouvoir royal MENA MARQUES M op cit p 144 5 EMMENS J A op cit p 62 Plut t que d une prudente sagesse on pourrait penser que ce surnom lui vint de son caract re irr solu h sitant devant les d cisions prendre Voir par exemple HALKIN L E Le caract re de Philippe II dans Critique historique Li ge Derouaux 1991 7 d p 151 168 et particuli rement p 164 87 Idem p 65 66 8 Dans une note en fin d article Snyder indique qu il n a eu connaissance de l article de J A Emmens que peu de temps avant la publication de son propre essai SNYDER J op cit p 571 note 30 89 dem p 559 dem p 564 91 STOICHITA V op cit 1986 p 168 92 Idem p 180 Voir par exemple KANTOROWICZ E Les deux corps du roi essai sur la th ologie politique au Moyen
86. ouvent Vel zquez et la toile vue de dos la radiographie montrerait qu il y avait l origine un personnage plus jeune dont les traits ne sont videmment pas ceux de Vel zquez On devinerait aussi une tenture rouge ainsi qu une table avec un vase de fleurs et une nappe rouge comme on les voit souvent dans les tableaux officiels de la famille royale De plus M Mena Marqu s pense aussi voir au centre de la radiographie que dans une premi re version l infante rejette le rafra chissement qui lui est offert plut t que de l accepter comme nous le voyons maintenant L explication des changements apport s par Vel zquez serait historique Depuis longtemps le roi Philippe IV avait l intention de marier l une de ses filles au roi de France mais sans se r signer d cider si ce serait l infante Maria Teresa n e en 1638 fille d Elisabeth de Bourbon ou l infante Margarita n e en 1651 fille de Marie Anne d Autriche Il n aurait pris sa d cision qu en 1656 Maria Teresa pouserait Louis XIV ce mariage ne fut d finitivement conclu qu en 1659 En l ab sence d h ritier m le depuis le d c s de l infant Baltasar Carlos Margarita devient alors h riti re officielle du tr ne 116 d Espagne Dans ce contexte la premi re version du tableau des M nines sans Vel zquez et sa croix de l Ordre de Santiago aurait eu pour fonction premi re de pr senter la nouvelle h riti re de la couronne Les grandes dimens
87. ouvrage partir de 1715 et le publie en 1724 soit plus de soixante ans apr s la r alisation du tableau Lui m me n a pas connu Vel zquez mort en 1660 six ans seulement apr s sa propre naissance Pourtant il a une bonne connaissance de la vie du peintre et en donne un compte rendu assez d taill La confidence qui liait les personnages des M nines tous d c d s entre temps aura t bien gard e Peut tre une seule personne en dehors de la famille royale et probablement Juan del Mazo aura devin ou entendu parler de l ing nieuse mise en sc ne C est Luca Giordano appel Madrid par le successeur de Philippe IV Carlos Il Il y passera dix ans r aliser fresques et tableaux Palomino raconte donc que lorsque Carlos Il a montr le tableau Giordano il aurait dit au roi Sire c est la th ologie de la peinture L explication de Palomino savoir que tout comme la th ologie est la plus haute branche du savoir ce tableau est la meilleure des uvres peintes avait d j paru simpliste Carl Justi Celui ci l interpr te plut t comme un commentaire sur limmat rialit de la cr ation il semblerait que la main de l artiste s efface devant la perfection de la cr ation artisti que Andr Chastel pense que Giordano a voulu d clarer ce caract re sublime mais aussi l accumulation des moyens et l esp ce de totalisation des motifs qui s effectuent sous nos yeux Pour D Arasse
88. pos s en gradation dans les zones d ombre et de lumi re d termin es par l ouverture ou la fermeture des volets des fen tres de la pi ce Tous sauf la m nine qui tend une coupe l infante et la du gne regardent dans la m me direction vers l endroit situ en de du plan du tableau l o nous nous trouvons tablissant ainsi avec nous une sorte de dialogue au travers du temps Deux autres figures le couple royal se refl tent dans le miroir plac au centre du mur du fond Ils pourraient bien tre ceux que regardent les personnages repr sent s dans la pi ce et se trouver galement en de du plan du tableau du c t du spectateur Comme l a crit Kenneth Clark tout se met en place comme un th or me chez Euclide On a souvent dit que la sc ne se pr sente comme un instantan photographique Les personnages sont arr t s dans leur mouvement l infante tourne la t te une m nine amorce une r v rence le nain donne un coup de pied au chien la naine regarde d un air tonn Vel zquez tient son pinceau suspendu le personnage du fond s interrompt dans sa mont e ou descente de l escalier Loin de l attitude rigide des tableaux officiels et du protocole rigide de la cour d Espa gne nous avons plut t l impression de nous trouver face un tableau vivant C est ainsi que Th ophile Gautier devant le rendu illusionniste de cette sc ne semblant situ e dans un espace au del de la toi
89. pr senterait peignant une toile dont ne pourrions voir que la tranche ou le dos Mais par la pr sence du miroir et du reflet qu il nous renvoie Les M nines est un tableau plus complexe c t des tableaux illisibles accroch s au fond de la pi ce un autre situ exactement en face des spectateurs brille d un clat singulier Parmi tous ces l ments qui sont destin s offrir des repr sentations mais les contestent les d robent les esquivent par leur position ou leur distance celui ci est le seul qui fonctionne en toute honn tet et qui donne voir ce qu il doit montrer En d pit de son loignement et de l obscurit qui l entoure Mais ce n est pas un tableau c est un miroir 7 Le miroir ne refl te rien de ce qui se passe dans le m me espace que lui ce miroir traverse tout le champ de la repr sentation n gligeant ce qu il pourrait y capter et restitue la visibilit ce qui demeure hors de tout regard Ce qui se refl te en lui c est ce que tous les personnages de la toile sont en train de fixer le regard droit devant eux c est donc ce qu on pourrait voir si la toile se prolongeait vers l avant descendant plus bas jusqu envelopper les person nages qui servent de mod les au peintre Et plus loin Le tableau en son entier regarde une sc ne pour qui il est son tour une sc ne Pure r ciprocit que manifeste le miroir regardant et regard
90. que l original de Rubens est perdu Ch De Tolnay voit aussi dans ces tableaux une exaltation de la dignit de l artiste et ce ne serait donc pas par hasard que Vel zquez les fait figurer dans Les M nines Arachn avait port un d fi Pallas pour la confection de la plus belle tapisserie et fut punie de son insolence en tant transform e en araign e tandis que le satyre Marsyas avait d fi Apollon la fl te et fut condamn par le dieu tre corch vif Ainsi est illustr le contraste entre art noble et artisanat entre disegno interno et disegno esterno entre divin et mortel Les M nines et le miroir des princes J A Emmens propose en 1961 une nouvelle interpr tation des M nines qu il place dans la tradition m di vale des miroirs des princes ces trait s qui proposaient au roi ou au prince un ensemble de pr ceptes et de conseils destin s les guider dans l art du bon gouvernement et donnaient donc comme r fl chie dans un miroir une image du bon souve rain Emmens se rapporte plus particuli rement au dea de un principe politico cristiano de Diego Saavedra Fajardo paru Madrid en 1640 ouvrage moral et philosophique compl t de plusieurs embl mes gravures portant un titre au sens souvent occulte Le reflet du couple royal dans le miroir serait alors pour l infante une le on suivre une invitation imiter plus tard la prudence du roi Le miroir est en
91. r e et suscit r actions et commentaires Le livre de Foucault a t dit en traduction anglaise sous le titre The Order of Things au d but des ann es 1970 New York et les premiers crits influenc s par Foucault sont dus des d auteurs am ricains qui publient dans les ann es 1970 et 1980 En voici quelques exemples En 1975 dans un long article consacr aux influences que Vel zquez a pu subir pour la composition des M nines et au message que porte le tableau sur la noblesse de la peinture Madlyn Millner Kahr montre dans un court paragraphe qu elle a d lire Foucault bien qu elle ne cite pas son nom ou entendre parler de son analyse faisant intervenir le specta teur Le miroir dans le tableau apporte sa part de magjie Dans Les M nines il attire l attention du spectateur sur des v nements qui se produisent en dehors du tableau la 109 pr sence du couple royal ce qui son tour introduit le spectateur dans le champ de l image Cet enchev trement de la r alit au sein de l image et de la r alit en dehors de celle ci produit une rupture baroque des limites du champ du tableau 385 En 1980 le philosophe John Searle publie un article intitul Las Meninas and the Paradoxes of Pictorial Representation Pour Searle qui cite Foucault et en fait son propre point de d part la repr sentation picturale classique se caract rise par le fait que les objets sont repr sent s sous leur aspe
92. r sent et voir celui o il s emploie repr senter quelque chose Il r gne au seuil de ces deux visibilit s incompatibles Ou bien le peintre se trouve l o nous le voyons en retrait et c t de la toile dont nous ne voyons que le dos l o selon Foucault il ne peut voir lui m me cette toile sans ombre ni r ticence ou bien il se replace devant la toile pour y ajouter quelque coup de pinceau mais il dispara t alors de notre vue Le peintre fixe un point invisible nous m mes Ce point est m me deux fois invisible d une part parce qu il se situe en dehors du tableau des M nines et d autre part parce que nous ne pouvons voir son image rapport e par le peintre sur la toile laquelle il travaille Le peintre nous regarde donc mais nous sommes la place de son motif Son regard accepte autant de mod les qu il y a de spectateurs mais la repr sentation du sujet sur cette toile nous restera inaccessible Dans le sillon neutre du regard qui transperce la toile la perpendiculaire le sujet et l objet le spectateur et le mod le inversent leur r le l infini Et la grande toile retourn e l extr me gauche du tableau exerce l sa seconde fonction obstin ment invisible elle emp che que soit jamais rep rable ni d finitivement tabli le rapport des regards Remarquons que jusqu pr sent l analyse de Foucault peut s appliquer tout autoportrait o le peintre se re
93. r rapport aux principes de la perspective lin aire et la th orie de la peinture et que le roi ait marqu son accord 3 Les M nines est un tableau destin l usage priv du roi Laissons provisoirement de c t l hypoth se de M Mena Marqu s selon laquelle le caract re priv du tableau ne lui a t donn que par d importantes modifications apport e par Vel zquez un tableau tout fait officiel trois ans apr s sa premi re r alisation On y reviendra par la suite Les raisons de croire que d embl e le tableau a t con u comme une uvre destin e la contemplation exclusive du roi et de ses proches sont d ordre historique historiographique et iconographique D abord Palomino nous rapporte que Les M nines a t accroch dans les appartements du roi dans son bureau 11 qui sera identifi comme le bureau d t Certains auteurs d crivent cette pi ce comme une chambre d audience donc caract re officiel 11t Francisco Calvo Serraller nous en parle 118 avec plus de d tails dans son ouvrage sur Les M nines Le tableau fut install dans la pieza del despacho lieu intime et privil gi du monarque qu avec raison Carmelo Lis n a qualifi d authentique sanctuaire situ c t de sa chambre et auquel lui seul a acc s outre le personnel de service les nonces et cardinaux les vice rois et pr sidents du Conseil d tat Lis n a tudi l tiquette et le protocole et
94. s doute pas non plus lui rendre justice On a aussi tent plusieurs reprises de reconstituer la g om trie de la sc ne repr sent e par Vel zquez avec des moyens graphiques ou informatiques mais sans vraiment r soudre le probl me perspectif On n insistera pas non plus sur les interpr tations fantaisistes caract re sot rique ou kabbalistique Le lecteur int ress pourra en trouver un certain nombre sur Internet L unit retrouv e Les analyses traditionnelles divergent sur l objet de la repr sentation la critique postmoderne en a montr le caract re ambigu sinon paradoxal Des interpr tations ing nieuses ont t pr sent es qui tentent de donner un sens all gorique ou symbolique ce qui est difficile r soudre au premier degr On sent bien que quelque part il nous manque encore quelque chose un compl ment d explication ou d interpr ta tion qui pourrait nous satisfaire compl tement D j en 1978 et apparemment sans m me avoir encore eu vent de l analyse de Foucault Jonathan Brown a crit que Face une telle situation et en l absence de travaux r ellement concluants force nous est de reconna tre qu aucune interpr tation ne saurait r pondre elle seule de mani re satisfaisante chaque point de vue Le tableau des M nines comme toute uvre majeure se renouvelle au fil du temps au lieu de s appauvrir et de ce fait demeure ternellement vivant Par l m
95. t se double chez les plus grands de l aspiration l anoblissement personnel l instar du Titien anobli et nomm chevalier de l Ordre de la Toison d Or par Charles Quint en 1533 Ce fut notamment l ambition de Rubens de David Teniers le Jeune et de Vel zquez Tous trois y parvinrent d ailleurs Pour Jos Ortega y Gasset l anoblissement fut le but de Vel zquez depuis sa jeu nesse Ses dons exceptionnels et les circonstances qui l amen rent entrer au service d un jeune roi amateur d art et d en devenir l intime lui permirent de r aliser cette ambition la fin de sa vie En 1658 Philippe IV accepte sa nomination dans l Ordre de Santiago lun des ordres de chevalerie les plus prestigieux en Espagne Cela ne va pas sans une certaine r ticence de la part de quelques membres de l ordre Une enqu te est entreprise sur les origines du peintre qui doit galement prouver qu il n a pas exerc son art pour assurer sa subsistance comme un artisan En 1659 le roi ordonna avec l appui du pape Innocent X la fin de l enqu te et Vel zquez put enfin mettre la touche finale aux M nines en ajoutant le signe de l Ordre de Santiago son autoportrait De toute vidence Les M nines traduit la volont de Vel zquez d illustrer la noblesse de son art Debout derri re son chevalet la t te l g rement inclin e tenant son pinceau en suspens il est comme fig immobile au milieu d un groupe de personnages d
96. terpretation without Representation or the Viewing of Las Meninas 1983 SNYDER J amp COHEN T op cit p 441 442 KUBLER G The Mirror in Las Meninas 1985 p 316 V Stoichita avait relev que cette interpr tation du miroir avait d j t donn e par Paul Claudel en 1946 CLAUDEL P L il coute n 63 Paris 1946 Voir STOICHITA V Imago Regis Kunsttheorie und k nigliches Portr t in den Meninas von Velazquez 1986 p 167 note 8 Une copie des M nines de dimensions r duites 140 x 124 cm maintenant attribu e Juan Bautista del Mazo gendre de Vel zquez est sa e 2 e e conserv e Kingston Lacy Curieusement elle ne montre aucun reflet dans le miroir et semble confirmer la conclusion de Kubler sur la source du paradoxe Voir HARRIS E Las Meninas at Kingston Lacy 1990 SNYDER J Las Meninas and the Mirror of the Prince 1985 p 543 Idem p 555 556 Id e soutenue entre autres par Jonathan Brown Voir BROWN J De la signification des M nines 1990 p 127 SNYDER J op cit p 557 Idem p 571 note 27 STOIOCHITA V op cit 1986 p 165 166 STOIOCHITA V Le sc nario po tique comme sc nario apor tique dans L instauration du tableau 1993 p 268 DAMISCH H op cit p 451 Idem p 445 449 C Rafart i Planas crit en exergue de son ouvrage sur les M nines de Picasso En 1950 Picasso et Sabart s discutent d art
97. tivement travaill partir d un reflet il a d prendre la peine de redresser l inversion sp culaire de plusieurs d tails Il s est repr sent peignant de la main droite alors que le miroir lui renvoyait son image tenant le pinceau de la main gauche il tait courant d effectuer cette correction dans les autoportraits Il a aussi redress les repr sentations des tableaux accroch s au mur du fond Par contre il nous a aussi laiss quelques indices de l utilisation du second miroir si lon examine la reproduction on peut facilement voir la fleur pos e dans sa coiffure que l image de l infante est invers e dans Les M nines par rapport son portrait officiel contrairement aux autres tableaux de Vel zquez et de nombreux contemporains la lumi re semble venir de droite et non de gauche J ajouterai qu un autre indice s rieux peut se trouver dans la configuration de la pi ce G Kubler avait not qu il n y aurait eu l Alc zar qui a disparu dans l incendie de 1734 aucune pi ce correspondant la repr sentation des M nines 15 Il cite le travail de F l iguez Almech Casas reales y jardines de Felipe Il Il n y a aucune salle de l Alc zar qui remplisse de semblables conditions Il est facile d en citer qui soient dot es d un nombre suffisant de fen tres les salles deux portes dans le fond abondent mais sans ces escaliers de forme si caract ristique 117 Manuela Mena
98. toriens de l art jusqu au milieu du XX si cle Les questions exprim es par Wolf sont d j pos es et il faut constater que les r ponses divergent suivant les auteurs Le second chapitre commence avec Michel Foucault qui publie Les mots et les choses en 1966 La probl matique se d place vers la possibilit de la production d une composition comme celle des M nines L analyse postmoderne du tableau par Foucault et de nombreux auteurs apr s lui en fait ressortir le caract re paradoxal ou ambigu Le probl me pos para t insoluble ainsi que le constatent plusieurs commentateurs Avant de donner au quatri me chapitre une proposition de solution bas e sur l analyse de Th voz le troisi me chapitre passe en revue les sources possibles d inspiration pour la conception des M nines par Vel zquez ainsi que diverses explications donn es par la critique au del de la forme du tableau son contenu et ses finalit s Comme la proposition de solution au probl me pos par les M nines se fonde en grande partie sur la g om trie de la r flexion dans un miroir plan il tait n cessaire d en donner un aper u dans l Appendice Je voudrais enfin remercier galement Jean Patrick Duchesne pour ses conseils et l int r t qu il a port ce travail ainsi qu Angel Cuenca responsable de la biblioth que du mus e du Prado pour l aide qu il m a apport e dans la recherche de certaines r f rences bibliographiques L
99. ue le roi et son peintre avaient labor et ainsi fait perdre une partie du charme qu ils pouvaient trouver la contemplation du tableau en pensant aux conditions de sa mise en sc ne Voil en tout cas de quoi tirer le roi ne f t ce que temporaire ment de sa morosit Et l on peut faire cr dit Palomino lorsqu il crit que Ce tableau tait tenu en haute estime par Sa Majest qui pour autant que cela puisse se faire venait souvent assister sa r alisation de m me que la reine Do a Maria Ana de Austria les infantes et les dames de cour y trouvant plaisir et amusement 1 Trois ans plus tard Vel zquez obtient enfin gr ce l appui du roi le droit de porter l insigne de l Ordre de Santiago Il l ajoute alors au tableau la place qu il avait si manifestement pr par e laiss e d gag e entre palette et pinceau au dessus de la fameuse cl qu il arbore fi rement la ceinture Il fallait de toute vidence que le tableau f t r serv aux appartements priv s du roi d abord pour son sujet mais aussi parce qu il semblait tellement manquer aux conventions de l poque Peut tre le roi et Vel zquez ont ils aussi convenu que les circonstances de la production devraient rester confi dentielles et fait promettre la discr tion par tous les protago nistes de la sc ne Toujours est il que Palomino ne fait aucune allusion l utilisa tion d un miroir par Vel zquez Il crit son
100. ue nous voyons de dos C est bien Les M nines en cours de r alisation La th se du double portrait royal n est plus cr dible Il est peu vraisemblable que le tableau ait pu tre r alis en deux temps trois ans d cart comme le proposait M Mena Marqu s D abord parce que la sc ne est trop loign e dans son sujet et son traitement pictural des tableaux officiels de la cour espagnole au XVII si cle Ensuite parce que sa concep tion est tellement ing nieuse qu elle ne peut tirer sa coh rence que d une r flexion globale men e d embl e Si Vel zquez avait simplement introduit un autoportrait sur la partie gauche du tableau et chang quelques d tails dans l attitude de l infante il l aurait fait en coh rence avec le point de fuite apparent pour le spectateur Et le tableau n aurait jamais pr sent ce caract re nigmatique que nous connaissons Il faut en conclure que si repeints il y a ceux ci ont t effectu s d s le d but de la r alisation du tableau en 1656 lorsque l infante tait g e de cinq ans On peut plus facilement supposer qu il avait commenc la toile avec une autre id e de composition avant de proposer Philippe IV les changements que l on conna t Les interpr tations diverses apport es par les historiens d art gardent leur pertinence et leurs m rites parfois relatifs qu il s agisse de l apologie de la peinture de la th orie du double corps royal des sources icon
101. vant l hypoth se du deuxi me miroir la question de savoir ce que Vel zquez est en train de peindre se r sout d elle m me il peint videmment le tableau m me des M nines On a d ailleurs depuis longtemps observ que ses dimensions correspondent celle de la toile repr sent e de dos Le reflet du couple royal dans le miroir du fond traduit leur pr sence au bout de la pi ce du c t du spectateur Le roi et la reine se trouvent dans un axe situ entre la toile que peint Vel zquez et le deuxi me miroir comme sugg r dans l illus tration tir e du livre de Michel Th voz Apr s s tre refl t e sur le miroir du fond leur image revient sur le deuxi me miroir qui la renvoie la vue de Vel zquez lequel la reproduit sur la toile Mais ici Vel zquez brouille un peu la piste Tout comme il a redress sa propre lat ralit en se repr sentant droitier il corrige la double inversion du couple qui aurait d faire para tre la reine droite et non gauche C est l inversion simple qui met l image de la reine gauche de celle du roi qui nous est montr e On a parfois object qu on ne disposait pas au XVII si cle de proc d technique permettant de fabriquer des miroirs d aussi grandes dimensions Cette objection est tonnante car s il est vrai qu on ne pouvait produire cette poque des grands miroirs d une seule pi ce on savait par contre parfaitement en r aliser par l assemblage de m
102. yal par son avant bras et l autre par la direction de sa palette 5 Daniel Arasse dans son essai L il du ma tre paru en 2000 dans son recueil On n y voit rien rel ve que l analyse de Foucault est anachronique et cherche comprendre com ment un tableau historiquement d termin r alis dans telles et telles conditions mat rielles et culturelles a pu produire des effets impr vus impr visibles et m me impensa bles pour son auteur et son destinataire 5 On reviendra au chapitre suivant sur les interpr tations d Arasse quant la signification historique du tableau En ce qui concerne sa composition et la pr sence du reflet dans le miroir il n y a pour lui aucun doute qu aucun double portrait de Philippe IV et de la reine n a jamais exist et donc que la toile que Vel zquez est en train de peindre n est pas le portrait du couple royal Le reflet ne provient donc pas de la toile en cours de r alisation La localisation du point de fuite ne permet pas non plus que le reflet repr sent dans Les M nines soit celui du roi et de la reine pr sents physiquement devant le miroir Conclusion ce qui est peint l image d un reflet dans un miroir ne peut pas en tre un mais ne peut tre qu un pseudo reflet hommage au roi car il confirmait le roi dans sa position absolue de monarque Cette id e du pseudo reflet avait d ailleurs d j t exprim e en d autres termes par Joel

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