Mort - Association des Revues Plurielles
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1. nt gration reproduit sans le vouloir les m mes signes d Alterite et d Exclusion La soci t occiden tale amen e g rer et r cup rer le cadavre en dispose sa guise et reproduit en fonction du culte les m mes sch mas existentiels Ceci dit le d funt sert aussi maintenir une certaine so lidarit communautaire travers l architecture la conception des tombes et la disposition du cimeti re Le cadastre des morts rejette l Arabe dans l anonymat m me dans l enclos de la Mort d o le douloureux constat de Leila Sebbar l endroit des Alg riens tomb s pour la cause fran aise lors des deux grands conflits mondiaux Dans les villages et les petites villes o il s est arr t il y a des monuments aux morts Il n a jamais lu le nom d un soldat d outre mer mort pour ce pays On a inscrit les noms des natifs pas ceux qui ve naient de loin m me s ils sont tomb s l endroit o ER 11 s eleve la st le Anonymes inconnus utilis s comme chair canons ils sont rejet s comme des parias parce que venus d Afrique du Nord affichant une autre couleur exotique et pittoresque ne par lant pas la m me langue n adoptant pas les m mes rites parfois m me en vertu du choix de Ibid pp 122 123 60 la cause comme se pla t le souligner Mehdi Charef Le carr des parias est celui des Maghr bins des pauvres types q2. TUDE La Mort entre Ici et L bas dans la litt rature alg rienne des ann es 90 par Mokhtar Atallah Se situant entre la litt rature Beur et la litt rature enracin e en Alg rie l criture de la Mort constitue un v nement majeur dans toutes les fictions romanesques qui Pabordent Cela dit la Mort est souvent abord e de mani re uniforme par la g n ra tion Beur et est souvent appr hend e comme un v nement ethnologique unissant dans les m mes conditions les faits et gestes des protagonistes voluant tant en France qu en Alg rie En fait l h g monie de la tradition musul mane au sein de la communaut alg rienne impose les figures de la Morf souvent adap t es aux attitudes collectives depuis l av nement de son exode forc vers la France Par cons quent quels que soient le temps et l espace tout est pos comme un a priori quant aux pratiques sociales inh rentes au deuil Cette expression quasi unanime du groupe social alg rien ancr en France depuis plu sieurs d cennies n est nullement le reflet d une poque que l on pourrait qualifier de moyena geuse mais d une situation culturelle requ rant la fid lit au rite pour exprimer une sensibilit collective d o la m taphorisation V all gorie et allusion authentiquement religieuses de la Mort au moyen de la rh torique du discours traditionnel Pour cela n
3. au m pris et au rejet de l Arabe comme entit communautaire ind si rable en France produit un effet de serre sur l ensemble de la communaut alg rienne voire maghr bine vivant en autarcie pour perp tuer la tradition et les croyances ignor es et re pouss es par la descendance qui fait fi de ces signes qui affichent son Alt rit comme le souligne le personnage central d Ahmed Ka louaz Ce soir la chez ma m re il y eut des va et vient des arriv es lointaines de gens que je ne connaissais pas des gens de l autre c t de la mer J avais l impression que la plupart n taient l que pour un immense repas de famille Les hommes assis par terre dans une pi ce parlaient fort Les femmes plus r serv es poussaient des cris de loin en loin Ce cir que dura quatre jours et cinq nuits Personne parmi eux qui parler ou en face de qui garder le silence Fallait il s amp merveiller d tre encore de ce monde le hair ou simplement pleurer Souvent les protagonistes r vent de retrouver le pays si ce n est debout sur leurs jambes du 10 Le la Sebbar Le Silence des rives pp 92 94 moins dans un cercueil Ce th me du retour mort ou vif est omnipr sent et se montre comme une sorte de ressourcement destin perp tuer en rituels fondamentaux et symboli ques l Identit originelle Dans d autres cas la s pulture en terre trang re qui se veut un signe d
4. univers ma langue avaient pris de la distance A force de tourner la p riph rie de ma famille le cercle s est loign La mort venait de remettre un peu de d sordre l dedans mais je ne voyais aucune raison de changer d attitude envers eux J vite la co hue je tourne j administre la mort Les horaires de lev e du corps l heure des obs ques la dur e de la concession reste ma part visible du deuil Le reste est en t te Plus rien ne semble difficile depuis que nous avons travers le cimeti re Chaque pas est une 14 Le la Sebbar Ibid pp 144 145 ternit la nuit une seconde Ce lieu d couvert par accident est devenu une habitude un passage oblig Un morceau de nous est aujourd hui ici Au jourd hui il est impossible de d serter la douleur dresse un pont entre nos distances Le hasard ou la fa talit nous montrent de l int r t la vie devient plus signifiante Le deuil la mort termes abstraits ont trouv du souffle et de la chair le cercueil que l ont suit porte nos gestes de demain Rien ne sera pa reil gt Certes cette indiff rence par rapport au lieu d enterrement choquante vis vis de la com munaut alg rienne vivant en vase clos est sans doute d sapprouv e par les autres acteurs de la fiction cependant elle marque un premier an crage spatial pour une jeunesse Beur perdue des deux c t s de la M diterran e Cette par
5. celle de terre difficilement conquise leur octroie le droit de reconsid rer leur sfatut socialo politique et de faire abstraction d un pass qui ne leur appartient pas Du coup cette ren gociation identitaire de la nouvelle g n ration travers la Mort s av re fondatrice d un nouveau statut social qui supplante la d sint gration socio historique sociopolitique et socio conomique de la communaut alg rienne marqu e par la violence coloniale et post coloniale de 1830 1990 En d finitive l criture de la Mort a permis aux crivains alg riens des ann es 90 de proc der une n gociation synchronique portant sur l in galit des droits dans un pays qu ils ont adopt sans contraintes travers une effective 15 Ahmed Kalouaz Le ons d absence pp 32 144 148 62 convocation de l Histoire sans clich s et une sinc re interrogation sur une r elle int gration en d pit de l appartenance religieuse de la culture et des m urs qui fondent leurs signes d Alt rit 63
6. g son exil Le visage ravin du mari luit par moments sous le reflet des larmes Un peu plus tard j ai vu des hommes d poser des billets dans sa main Beaucoup de gros billets de mille Pour que le corps de M riam soit r exp di au point de d part En d pit des difficult s mat rielles il ne peut y avoir de s pulture religieusement d cente que l o le Coran est psalmodi de vive voix et o la tombe est tourn e vers la Mecque afin que soit lue la Fatiha l unisson et dites les intercessions sinc res aupr s d Allah Sinon quelle aurait t la finalit de toutes ces ann es de mis re morale et mat rielle pass es subir l preuve de l esclavage du racisme et de l exclusion sociale Azzouz Begag Beni ou le Paradis Priv pp 98 Ibid p 97 59 Notons que cet engagement implicite est souvent cautionne de part et d autre par les membres de la famille maris et femmes parents et enfants comme le pr cise Le la Sebbar dans Le Silence des rives La m re s est agenouill e pr s de lui elle a pris sa main et elle a r cit la pri re des morts son oreille Les femmes se sont assises autour du sofa contre la m re qui a recouvert le corps de son fils d un drap brod d arabesques dor es Ils ont rendu le corps dans un cercueil plomb la fin de l enqu te et l Amicale a aid pour le retour au pays Ce repli social d
7. ous supposons qu il existerait une sorte de relation consubstantielle ex pression que nous empruntons Michel Picard entre la litt rature des crivains alg riens des ann es 90 et la repr sentation traditionnelle de la Mort dans leur propre groupe social Charg de cours D partement de Fran ais Facult des Lettres amp des Arts Universit de Mostaganem 57 Condition laquelle ils tentent d chapper soit par des attitudes sinc res qui se justifient par l Histoire soit par des comportements pure ment humoristiques qui chapperaient a une situation absurde de d chirement entre deux pays se rejetant la responsabilit d une Alt ri t dont ils sont la cause Cela dit tous les genres litt raires peuvent tre appr hend s comme une criture repr sen tative de la Morf implicitement comme une activit ludique de lecture ot le travail de Pimaginaire serait concr tis par un langage puisant sa substance dans les profondeurs oniri ques de toute la communaut au sens o l espace transitionnel de l crivain s accommoderait de toutes les temporalit s en gag es dans le processus scripturaire r elles fictionnelles ou fantasmatiques Que ce soit dans les romans de Azzouz Be gag de Mehdi Charef de Mehdi Lallaoui d Ahmed Kalouaz ou de Le la Sebbar l exception de Nina Bouraoui la Mort est inscrite comme une rupture scriptorale ent
8. re ces crivains et le milieu de la r ception litt raire ou ils voluent D origine alg rienne ces cinq auteurs cristal lisent symboliquement la Mort qui unit dans un m me destin une communaut immigr e Beni ou le Paradis Priv Paris Editions du Seuil 1989 Le Harki de Meriem Paris Mercure de France 1989 3 Les Beurs de Seine Paris Arcant re 1986 4 Point kilom trique 190 Paris L Harmattan 1986 Le ons d absence Paris Blandin 1991 5 Le Silence des rives Paris Stock 1993 Poing mort Paris Gallimard 1992 58 souvent dispers e autour des m mes rituels inh rents au deuil Cependant d aucuns de ces rituels commenc s en France au moment ot la Mort survient ne s averent pas complets du fait m me que l approbation sur l authenticite du rite n est v cue que sur l autre rive de la M diterran e ce qui fait leur v ritable Alt rit Le d funt devient donc un tre de langage dans une sorte de fransversalit intersubjec tive domin e par la Religion et dont il faut prendre soin d abord par le choix du lieu d inhumation Par cons quent tous les protagonistes mis en jeu dans les fictions vivent si l on peut dire avec frustration une Mort consid r e comme incompl te vu que la v ritable c r monie fun raire se d roule m me en l absence du cadavre en terre ancestrale D o la r insertion spatiale du d funt qui recou
9. s qui font leur Alterite et la pathologie de leurs parents ils arrachent le droit d tre enterr s dans le l bas europ en contrairement a 1 Ibid pp 38 42 61 P Tc nord africain avec l ac quiescement ti mide des anc tres Personne ne dit que Mourad avait vingt trois ans qu il tait n Puteaux Hauts de Seine et qu il ai mait la vie m me si de par son histoire on ne lui re connut jamais ce droit de vivre comme les autres avec les m mes chances que tous les autres Une foule nombreuse surtout jeune entourait la tombe sombre o la croix serait remplac e par une simple plaque portant la date de naissance de Mourad celle de son d c s et son nom de famille C est alors que l cart se creuse entre appartenance communautaire et les individus L Identite collective se fracture et c de le pas l Identit individuelle Ce droit au chapitre provoque irr versiblement l clatement de la famille jusque l accroch e ses constantes traditionnelles Un foss se creuse s parant l ancienne g n ration de la nouvelle qui s loigne avec un sentiment d indiff rence comme le montre Ahmed Kalouaz dans Le ons d absence o le narrateur intra di g tique assiste avec un sentiment d tranget aux fun railles de sa s ur qui dor navant ne sera rep ra ble qu partir d un num ro d allee et non de son appartenance ethno religieuse Mon
10. sa propre histoire qu il feint d oublier et que la venue impromptue de Sal ha accompagnant le cercueil de son fr re a n surprend Toute une com die orchestr e sur fond d Histoire pour afficher publiquement un patriotisme l emporte pi ces et un feint nationalisme sans conviction Son fr re se fait buter par des Fran ais racistes de mes couilles et son p re veut l enterrer ici Comme si l Alg rie ne se souvenait pas des salauds qui l ont trahie Fille de tra tre c est tout ce que tu es Il a choisi la France et tu as vu comment elle le lui rend En cadavre bien fait pour vous Le pays ne veut pas de la prog niture des trai tres T l phone ton p re et dis le lui D autres consid rations sont mises par la g n ration Beur qui refuse que la tradition ancestrale et le pass des parents les pers cutent et les r cup rent dans la Mort pour un simple c r monial de deuil La circonstance r f ren tielle la culture musulmane pour les jeunes Beurs qui assimilent attitude de leurs parents vis a vis du rituel fun raire a une croyance naive s av re anachronique Toutes les valeurs intangibles aux yeux des parents vont tre trans gress es Tous le tabous mis a plat Natifs de France ils r cusent l chec et reconsid rent leur pr sence sur cette terre en se d clarant francais en d pit des signes internes et externe
11. ui se sont tromp s de guerre qu on a tromp s pendant tant d ann es In vitablement dans ce cas pr cis d humour noir magistralement pos par Mehdi Charef dans Le Harki de Meriem rien ne pardonne Le cadavre de S lim le fils lachement assassin pour avoir choisi l Int gration de la nationalit fran aise devient un moyen de chantage un objet de surench re historique une vengeance d une histoire sur l Histoire S lim n en France n est que le f tus d un compromis historique Pourquoi devrait il payer le choix m rement r fl chi de son p re En fait l agression verbale contre Sal ha la petite s ur qui rapatrie le corps de son fr re en Alg rie est un refus syst matique de l Histoire En somme ce rapatriement s affiche comme un m pris de la France et une expia tion douloureuse de l engagement du p re au pr s de l ex puissance coloniale qui ne lui re conna t aucun droit puisque les assassins de souche fran aise de son fils ne sont jamais in qui t s L attitude extravagante et l exub rance du douanier s adonnant un r quisitoire anachro nique ne sont nullement sinc res Il s agit seu lement d une peur visc rale qui lui rappelle sans doute son pass malsain le refus d une image sp culaire car travers le cas de S lim il se Mehdi Charef Le Harki de Meriem p 38 retrouve ind pendamment de sa bonne volont en face de lui m me face
12. vre travers l enterrement dans le cimeti re des p res les siens qui le pleurent dans sa langue maternelle et l authenticit des rites religieux sa v ritable Identit comme le confirme Ahmed Kalouaz dans Point Kilom trique 190 Mon p re est venu d Alg rie pour me laver selon le rite musulman Mon p re m enveloppe dans un drap blanc pour le retour Mon p re est revenu pour la toilette du mort avec son fragment de jambe Fragment d une vie rapatri e sans message ni mode d emploi Cette r insertion spatiale qui se pose en v ritable probl matique est souvent v cue comme une promesse implicite du retour tant attendu 7 Ahmed Kalouaz Point Kilom trique 190 pp 38 38 44 que les parents angoiss s vivent comme un en gagement solidaire avec leurs d funts et que seule la mise en bi re pour la r exp dition au pays des origines soulage comme l illustre le v u de M riam dans B ni ou le Paradis Priv de Azzouz Begag qui implore son entourage Quand je l aurai quitt mon corps lui aussi retour nera au pays des anc tres et des gens payeront pour a pour que les choses normales continuent d tre normales travers le temps La solidarit m canique du groupe ethni que vivant le m me calvaire et nourrissant le m me v u vient au secours de l poux pour s acquitter de sa promesse souvent v cue comme une dette envers celle qui a parta
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